Chroniques

par marc develey

Ténèbres
Charpentier, Couperin et Marais

Oratoire du Louvre, Paris
- 1er avril 2010
Gérard Lesne photographié par Jean-François Leclercq
© jean-françois leclercq

Ces Leçons de Ténèbres se sont perdues dans l’obscurité acoustique d’un Oratoire du Louvre mieux adapté, sans doute, au mitan droit de sa nef, à recevoir comme d’une distance presqu’infinie les grâces diaphanes de l’oraison que la complexité harmonique et les envolées virtuoses d’une musique dont le sujet religieux n’est décidément plus qu’un prétexte. De ces spectres sonores qu’à nos corps et cœurs défendant, les hasards du placement nous ont fait côtoyer dans une indifférence croissante, tempérée juste par l’appétit de l’écoute et du son, on souffrira que nous n’ayons somme toute que peu à dire – sinon dans l’enflure stylistique et ennuyeuse de ce peu, analogon sans art de ce qui se donna ce soir-là avec probablement plus de talent, de métier et de musique, sans qu’il nous soit donné de vraiment l’entendre, sauf à le deviner. Quelques lignes en échos des échos…

Gérard Lesne semble avoir servi ces trois Leçons et les Elévations et Répons accompagnateur de la grande clarté de sa diction, une belle intensité rhétorique en particulier sur le Nonne Deo Subjecta erit H. 258 de Marc-Antoine Charpentier, très appréciable dans cette musique, et la justesse toute de mesure des passions invoquées. Nous avons apprécié le beau travail sur les ouvertures et des notes de fin, toujours posées dans une grande suavité, tout autant que la subtilité aérienne du travail des lettres hébraïques de la Deuxième Leçon du Mercredi saint de François Couperin. Nous apparurent cependant une voix peinant dans certains aigus, quelques traits en limite de justesse, accompagnés parfois d’une labilité malvenue, sans savoir s’il faut imputer ces désagréments à la salle ou à l’artiste.

L’instrumentarium limité fut l’occasion de quelques moments touchants lors des interludes instrumentaux. Au Tombeau pour Monsieur de Sainte Colombe de Marin Marais, la basse de viole de Florence Bolton sut laisser s’étirer les phrases musicales sur plusieurs dizaines de mesure, dans une référence constante à la voix humaine travaillée dans l’esprit d’un lancinant lamento, non sans quelque maniérisme. Violaine Cochard, quant à elle, nous offrait depuis le clavecin Les idées heureuses de François Couperin dans un style àl’ornementation naïve, un peu brusqué parfois mais tout de clarté et d’une très agréable tournure jusque dans le ritardando expressif final. Quant au théorbe de Benjamin Perrot, c’est lui sans doute que l’acoustique desservit le plus – il nous est impossible de rapporter quoi que ce soit des quelques maigres résonances qui nous en sont parvenues.

MD