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Chroniques
Teseo | Thésée
opéra de Georg Friedrich Händel
Si tant est qu’on l’ait oublié, la récente production nancéienne [lire notre chronique du 6 mars 2007] vient de démontrer qu’il ne suffit pas de réunir un bon plateau vocal pour servir un ouvrage, même si louable en est la mise en scène (et c’était le cas). Après un Giulio Cesare d’un trash assez mièvre et pleinement incohérent à Paris [lire notre chronique du 18 octobre 2006], un Ariodante cérébral fort ennuyeux la semaine dernière [lire notre chronique du 14 mars 2007], l’on espérera de la démarche de Gilbert Blin pour le Teseo de Nice qu’elle éclairera sur une viable approche contemporaine des opéras de Händel.
Gilbert Blin s’est plus d’une fois attelé à recréer des ouvrages dans le respect des conditions qu’ils connurent en leur temps. De fait, son abord de la Rosmira fedele de Vivaldi dans cette même maison fut plutôt heureuse [lire notre chronique du 23 mars 2003]. Pourtant, sans doute parce que Teseo ne présente pas de ressorts dramatiques comparables, peut-être aussi parce que sa rhétorique musicale n’est déjà plus spécifiquement baroque, la recette ne prend pas. On ne discutera pas ici le bienfondé de cette conception – nous accordons pleine confiance à l’honnêteté intellectuelle et aux recherches du maître d’œuvre, ainsi qu’au savoir-faire et à la culture de ses complices Elisabeth Trubert (costumes) et Caroline Constantin (peintures) –, mais on s’interrogera sur le curieux chemin qui conduit cette volonté manifeste d’authenticité à agir dans un théâtre qui ne s’y prête pas. Au bout du compte, le spectacle ne convainc pas.
La fosse abrite l’Ensemble Baroque de Nice que dirige le violoniste Gilbert Bezzina. C’est une nouvelle déception, car la musique de Händel, plus architecturée (on pourrait dire préméditée) que celle de Vivaldi, ne permet guère qu’on y conduise de l’archet une équipe de chanteurs. Aussi l’orchestre est-il trop peu tonique, accusant par ailleurs de nombreux soucis de justesse dans ses cordes. Il paraît coupé du plateau. La lecture est statique et sans relief, oubliant jusqu’à certaines inspirations dansées de la partition, ici comme vieillarde et anémiée.
Fort heureusement, il y a les voix.
Oubliant vite l’âcre Minerva de Sandrine Martin, saluons l’attachant Arcane du jeune Damien Guillon dont le chant, tout en s’affirmant fiable, brillant et expressif, promet beaucoup. De même Valérie Gabail [lire notre dossier] donne-t-elle une efficace Clitia, Brigitte Hool réservant à la très convoitée Agilea une ornementation concluante. Dans le rôle-titre, Jacek Laszczkowski parait s’égarer : où sont passés la fiabilité à toute épreuve de son Cesare de Catone in Utica (2001, Tourcoing), le brio et la maestria de son Armindo de Rosmira fedele ? Ce Thésée accuse des attaques brutales dans les récitatifs, un haut-médium incertain, un bas-médium hasardeux et un aigu certes toujours aussi payant – comme en témoigne l’enthousiasme du public – mais conduit sans souplesse. Quant à Egeo, Pascal Bertin en livre une interprétation autrement nuancée, dans un impact généreux. Enfin, la Medea d’Aurélia Legay demeurera longtemps dans notre mémoire, magicienne d’une verve expressive et d’une présence rare, au jeu toujours subtil (quel plaisir quand le moindre mouvement de sourcil, aussi discret qu’il soit, transmet une intention qui enrichit la situation) et à la voix chaudement colorée.
BB