Chroniques

par monique parmentier

Teuzzone
opéra d’Antonio Vivaldi (version de concert)

Venise Vivaldi Versailles / Opéra Royal, Château de Versailles
- 26 juin 2011

Pour son premier festival, le Château de Versailles a choisi d’honorer Vivaldi. Certes le Prete Rosso n’y est jamais venu. Et alors ? Pourquoi se priver de ce plaisir ? Du printemps à l’automne, la fête a toujours résonné au château. Cette année, elle est vénitienne pour mieux célébrer l’été. Pour inaugurer la manifestation, deux représentations en version concert d’un opéra méconnu de Vivaldi, Teuzzone, sont offertes au public.

Écrit sur un livret réadapté d’Apostolo Zeno qui connut, à cette période, plus d’une dizaine d’adaptations, cet ouvrage, créé à la toute fin de 1718 durant le séjour de Vivaldi à Mantoue, est une petite merveille qui, depuis près de trois cents ans, n’a plus connu la scène et dont il n’existe qu’un seul enregistrement qui ne brille guère par ses qualités. Dans sa quête d’ouverture du dialogue entre l’Orient et l’Occident, Jordi Savall a trouvé dans cette œuvre un autre regard : celui du goût pour l’exotisme, de ces orients désormais rêvés par la Sérénissime qui se repliait doucement mais sûrement sur elle-même après avoir si longtemps ouvert les routes de la soie.

L’intrigue de Teuzzone se déroule en Chine.
L’empereur Trocone meurt à l’issue d’un combat victorieux. S’engage alors une lutte pour la succession au trône entre son fils Teuzzone et sa veuve Zidiana, secrètement amoureuse du prince. Pour parvenir à ses fins, cette dernière trouve deux alliés, tous deux amoureux d’elle, Sivenio et Cino. Teuzzone s’est fiancé en cachette à Zelinda, grande prêtresse d’un dieu suprême. Enfin intervient un dernier personnage : Egaro, le chef des gardes de Zidiana.

Rien d’orientaliste, au fond, dans la musique de Vivaldi ; tout au plus quelques effets d’orchestration. La Cité interdite n’y est qu’un argument. Des airs ou cavatines accompagnés par la seule basse continue, à des airs de bravoure que font resplendir des cuivres brillants, le compositeur s’en donne à cœur joie. La direction souple, élégante, de Jordi Savall soigne les couleurs et le style, le Concert des Nations lui répondant avec un réel plaisir.

Jeune et enthousiaste, la distribution vocale se prête au jeu, mettant en espace l’action, afin de permettre au public d’en percevoir les enjeux. La Zidiana de Raffaela Milanesi, qui mélange autorité et sensualité, est remarquable ; on timbre doré, son sens rhétorique et scénique évident, confèrent au personnage une ambiguïté douloureuse. Au rôle du chef des gardes, Egaro, le contre-ténor italien Antonio Giovanni, dont la voix est parfaitement équilibrée sur toute la tessiture, donne une certaine profondeur. Assez homogène, le reste de la distribution ne trouve parfaitement son rythme que durant la seconde partie.

Le Sivenio de Furio Zanasi est grave et mélancolique. Si l’incarnation de Zelinda par Delphine Galou est déterminée dans les récitatifs, elle nous semble moins convaincante dans le bas de la tessiture. Le soprano Roberta Mamelli joue sur la perversité trouble de son personnage mais est vocalement versatile. Dans le petit rôle de l’Empereur, le ténor Makoto Surada est vraiment marquant par son autorité. Quant au sopraniste Paolo Lopez dans le rôle-titre, malgré une légère instabilité et une projection quelque peu irrégulière, il campe un prince volontaire et intraitable.

Mais ce soir, c’est bien le Concert des Nations qui éblouit le plus. Les cordes soyeuses et lumineuses, les trompettes scintillantes et les hautbois brillants redonnent vie à une œuvre splendide qui fait miroiter les jeux de lumière de la lagune sous les ors versaillais. Cette œuvre oubliée méritait bien une résurrection. Poursuivant son intégrale, Naïve a procédé à l’enregistrement des concerts (à suivre, donc…).

MP