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Chroniques
The Bassarids | Les Bassarides
opéra d’Hans Werner Henze
Événement à Amsterdam, car le Nederlandse Opera propose une nouvelle production d'un des opéras les plus réputés de la seconde moitié du XXe siècle ; mais surtout, ce spectacle marque les débuts en fosse du Muziektheater du nouveau directeur musical de l'institution, le chef allemand Ingo Metzmacher.
Pour sa première saison, le musicien n'a pas choisi la facilité et la démagogie, puisqu'il conduira, outre cet ouvrage de Henze [photo], la Petite renarde rusée de Janáček, Elektra de Strauss et Simon Boccanegra de Verdi. Force est de constater que la maison batave s'est dotée d'une personnalité charismatique qui galvanise le Nederlands Filharmonisch Orkest. Sous sa baguette, cette phalange si souvent routinière et poussive, se révèle un orchestre de premier plan, riche en timbre et en dynamique.
Après avoir été successivement mis au pilori par l'avant-garde musicale internationale, le compositeur Hans Werner Henze multiplie les honneurs. Alors qu'il fut toujours présent dans le monde germanique et anglo-saxon, les pays latins s'ouvrent progressivement à son œuvre : le festival Présences (Radio France) lui offrait une intégrale de ses symphonies (2003) et le Théâtre du Châtelet a programmé ses Bassarids ce printemps [lire notre chronique du 15 avril 2005].
Ouvrage dense, en un acte, d'une durée d'à peine plus de deux heures, The Bassarids est une partition complexe et passablement pessimiste. Organisée comme une symphonie en quatre mouvements, l'œuvre reprend de nombreuses influences, dont celles notables de Mahler et Brahms. Aucune issue favorable n'est possible dans cette tragédie tirée des Bacchantes d'Euripide. La déraison triomphe sur fond de thèmes chers à la génération contestataire des années soixante – l'opéra fut créé en août 1966 au Salzburger Festspiele. La musique sérielle alterne des passages âpres, tendus, et des moments lyriques, sensuels. Certaines scènes sont de grandes réussites, comme le troisième mouvement qui culmine dans l'hallucinante mort de Pentheus. Cependant, dans son ensemble et en dépit de ses immenses qualités dramatiques, cette pièce ne parvient pas à masquer certains traits de son âge et quelques scènes apparaissent un peu longues. La faute en incombe peut-être au chef qui arrondit les angles là où l'on aimerait plus de brutalité et de sauvagerie.
La distribution vocale est d'un niveau exceptionnel. Tous les artistes sont engagés viscéralement dans leurs rôles, faisant fi des redoutables difficultés de leurs parties. Pour ses débuts sur la scène hollandaise, le baryton allemand Detlef Roth campe un Pentheus magistral de style et de puissance. Le ténor Tom Randle, un habitué de la maison amstellodamoise, soutient la comparaison et livre une formidable incarnation de Dionysos. La distribution féminine est tout aussi grandiose. Kristine Ciesinki est une belle Agave. Le rôle d’Autonoë est tenu par Margarita De Arellano, l'une des chanteuses les plus charismatiques du moment, dont les aigus faciles et l'engagement scénique forcent le respect. Le reste du plateau est à l'avenant : Kenneth Cox (Cadmus), Chris Merritt (Tiresias), Robert Bork (le capitaine de la garde royale), Anne Gjevang (Beroë).
Pour son retour dans la capitale des Pays-Bas après son Moses und Aaron de Schönberg en 1995 (sous la direction de Pierre Boulez), le metteur en scène allemand Peter Stein signe une scénographie d'une sobriété, d'une force et d'un respect de la partition qui donnent une leçon de dramaturgie et de musicalité à bien d’autres. Dans un décor unique d'arène semi-circulaire signé Moidele Bickel, il fait ressortir les haines et l'incompréhension entre les protagonistes, jusqu'à l'embrasement final.
PJT