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Chroniques
The fairy queen | La reine des fées
semi-opéra d’Henry Purcell
Suite et fin de notre plongée en contrée shakespearienne, avec A Midsummer Night’s Dream dans sa toute prime adaptation en musique, The fairy queen, semi-opéra créé au Dorset Garden Theatre de Londres, au printemps 1662. De cette fantaisie d’Henry Purcell au film de Casey Wilder Mott (2017) en passant par celui d’Ingmar Bergman (1955), de l’opéra de Carl Maria von Weber, Oberon (1826) [lire nos chroniques du 24 avril 2011 et du 27 juillet 2017], au Sueño de una noche verano (1852), la zarzuela de Joaquín Gaztambide [lire notre chronique du 30 janvier 2019] en faisant halte sur la musique de scène de Felix Mendelssohn, Ein Sommernachtstraum(1843), ou sur l’ouvrage lyrique en trois actes qu’Ambroise Thomas crée à la Salle Favart le 20 avril 1850, toujours ce Songe d’une nuit d’été fascine, comme le prouvait encore la somptueuse reprise de la production de Peter Hall à Glyndebourne, il y a dix jours [lire notre chronique du 22 juillet 2023].
Au Longborough Festival Opera – tout récemment, nous avons apprécié un Orfeo très intéressant [lire notre chronique du 15 juillet 2023], la metteure en scène Polly Graham [lire notre critique d’Orlando] tente d’intégrer la partition musicale à l’action théâtrale et de faire entendre le texte de Shakespeare, ce qui n’est pas évident quand on a affaire à une forme hybride qui mêle musique et théâtre, à l’instar des plus tardifs King Arthur [lire nos chroniques des spectacles de Jürgen Flimm, du tandem Shirley et Dino et de Marcial Di Fonzo Bo] et The Indian Queen. Aussi les musiciens eux-mêmes interviennent-ils comme comédiens, par exemple. Polly Graham, qui dirige le festival, appuie sa proposition sur un hymne à la nature, comme l’omniprésence de la forêt dans l’original peut le suggérer, en insistant sur le péril dans lequel celle-ci se trouve. Le scénographe Nate Gibson, en bon allié, a conçu une sorte de vaste Luna Park jonché de détritus parmi lesquels un grand cygne kitsch et inutile, comme tout ce que l’ultraconsumérisme actuel produit. Les repères musicaux s’entremêlent curieusement, avec des insertions rock ou folk, par-ci par-là. Mais la succession des scènes, des effets et des mouvements se résume bientôt à une grosse bousculade sur fond de leçon de morale. Et les fées n’y peuvent pas grand-chose…
Le programme Emerging Artists s’invite dans une équipe où musiciens et chanteurs justborn profitent de l’expérience et du savoir-faire de confrères chevronnés, selon une formule à la fois pédagogique et promotionnelle. C’est, pour nous, l’occasion de découvrir de jeunes voix, comme celle de Rachel Speirs, dotée d’un impact flatteur qu’un jeu pétillant vient agrémenter pour une Titania scintillante. Avec une grande partie parlée, le ténor Lars Fischer honore cependant le rôle d’Oberon d’une puissance appréciable, tout en prêtant à Theseus, le duc athénien, un timbre incisif qui le met en lumière. Chargée des parties d’Egeus, de Snug et de Puck, Suzie Purkis déploie un mezzo-soprano délicatement ambrée dans un chant coloré et un jeu souvent fleuri. Helena et Hermia ne sont pas en reste, grâce aux incarnations d’Annie Reilly, idéale, et d’Eleanor Broomfield, d’une grande intelligence dramatique. Demetrius est servi avec style et drôlerie par Luke Horner. Le baryton Peter Edge excelle en Lysander passionné. Enfin, le spectacle bénéficie d’une belle fourchette de mechanicals ! Le soprano gallois Alys Mererid Roberts en Flute bien senti (également Première Fée), le mezzo Angharad Rowlands, également galloise, offre à Quince une voix opulente qui promet beaucoup (aussi Deuxième Fée), le ténor Rhydian Jenkins – gallois, toujours ! – livre un Snout robuste et dense (Troisième Fée), quand le jeune baryton-basse Edward Jowle, très généreusement pourvue, compose un Starveling vraiment comique (Quatrième Fée) – un chanteur dont il faudra dorénavant guetter les apparitions. Farceur infernal, le Bottom de George Robarts (basse), bien qu’avec un organe plus terne, fait grand effet et réjouit le public.
Partagée entre la violoniste Naomi Burrell et l’accordéoniste Harry Sever, également chargés d’adapter la partition, Purcell ayant ici à faire place à bien des élucubrations, la direction musicale prouve d’une facilité et d’un éclectisme impressionnant, même si l’on aurait, et de beaucoup, préféré s’en tenir à la musique du XVIIe siècle. L’expérience reste intéressante. Notre tour des festivals anglais se termine en ce premier jour d’août. À l’été prochain !
HK