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Chroniques
The Telephone | Le téléphone
Amelia al ballo | Amélia va au bal
Le téléphone portable a envahi notre quotidien, mettant à mal les quelques moments que l'espace collectif offrait encore à la lecture, à la pensée, voire au silence. Pour qui ne supporte plus d'entendre la sonnerie James Bond de son collègue de bureau, les bavardages autour des couches de Bébé dans le Marseille-Toulon ou ceux sur le CAC 40 à la périphérie d'un tête-à-tête amoureux au restaurant, The Telephone de Gian Carlo Menotti semblera d'une étonnante modernité. Mettant en scène l'addiction téléphonique d'une jeune coquette telle qu'on peut en croiser aujourd'hui, cet opera buffa en un acte fête pourtant le soixantième anniversaire de sa création au Heckscher Theatre de New York (18 février 1947).
Si l'idée de faire quasiment un meuble de cet outil est assez esthétiquement limité, elle symbolise à souhait la place qu'il prend dans la vie de l'héroïne. Le pauvre amoureux n'a plus qu'à tourner en rond, n'étant plus le centre d'intérêt de son aimée. Au final – l'ouvrage portant comme sous-titre l'amour à trois –, c'est par l'entremise du « monstre à deux têtes » que Ben demandera à Lucy de bien vouloir l'épouser... Katia Velletaz est à l'aise dans son rôle de femme angoissée par la solitude, mais pèche par un manque d'égalité sur toute la tessiture. Benoît Capt est plus sonore, tout en jouissant d'une diction excellente dans cette version française du livret (écrit par Menotti).
À ce divertissement un peu léger succède une autre scène bouffe, autrement plus intéressante, créée le 1er avril 1937. Au départ, pourtant, la nouvelle héroïne en piste est le même genre de bourgeoise égoïste : elle sacrifie son mari et son amant à son envie de paraître au premier bal de la saison. Mais cette fable amorale a de nombreux atouts. Sur le plan théâtral, l'ouvrage caricature gentiment le vaudeville (européen), si en vogue au début du XXe siècle ; le rythme en est donc plus trépidant, la critique sociale sous-jacente, la surprise bienvenue – le metteur en scène Éric Vigié s'offre le luxe d'habiller l'amant en Tintin ! Sur le plan musical, le rénovateur du genre lyrique outre-Atlantique offre de beaux moments de nervosité et de sensualité, loin de décoller l'étiquette d'un Menotti continuateur de Puccini (la prière romancée d'Amelia, qui résume toute l'injustice faite aux femmes, pastiche le célèbre Vissi d'arte). L'excellent Bruno Ferrandis s'en sort impeccablement dans sa direction de l'Ensemble Orchestral de Paris.
Pour la seconde année consécutive, après Rita [lire notre chronique du 18 novembre 2005], La canterina et Der Schauspieldirektor, l'Opéra de Lausanne offre la possibilité à de jeunes chanteurs de participer pleinement à la saison en cours. Saluons une nouvelle fois cette initiative, même si elle induit un revers à la médaille. Par exemple, le timbre de Davide Cicchetti (Bubi) paraît un rien éraillé, l'émission de Graziela Valceva Fierro (Amie) semble assez faible et Marc Mazuir (Mari) demeure, quoique sonore, peu nuancé. Il faut dire qu’à peine sortie d'un « très sérieux » Teseo [lire notre chronique du 20 mars 2007], Brigitte Hool éclipse facilement ses partenaires en défendant idéalement cette fantaisie ; sa sensualité et son charisme évidents, sa voix souple au timbre délicatement coloré (on n'oubliera pas son lent crescendo-descrescendo sur Un'ombra) lui assurent l'adhésion complète d'un public enchanté.
LB