Chroniques

par bertrand bolognesi

Theodora | Théodora
oratorio HWV 68 de Georg Friedrich Händel

Rencontres musicales de Vézelay / Basilique Sainte Marie-Madeleine
- 21 août 2009
Voûtes à Vézelay, photographiées par Bertrand Bolognesi en 2009
© bertrand bolognesi

Contredisant activement l’accueil réservé par le public londonien lors de sa création en mars 1750, l’oratorio Theodora connaît de nos jours un succès sans cesse confirmé, y compris lorsque des équipes se risquent à le mettre en scène comme un opéra, bien qu’on pourra trouver une nature moins théâtrale à ses airs qu’à ceux de La Resurrezione entendue hier [lire notre chronique] – sans doute s’agit-il également d’étoffer un répertoire scénique en langue anglaise, d’ailleurs. La soirée médiane des Rencontres vézeliennes nous propulse vers un Händel qu’il ne serait pas faux d’affirmer déjà classique, à le comparer à l’oratorio joué la veille, une bonne quarantaine d’années séparant les deux œuvres. Aussi est-ce bien cet aspect que souligne la direction attentive et inspirée de Peter Neumann, imposant dès les premiers pas une solennité sans lourdeur, délicatement nuancée, tenant d’un bout à l’autre une lecture de haute tenue.

Si Vaclav Luks nous plaçait dans l’énergie, voire l’euphorie, c’est dans une célébration plus sévère que Neumann nous plonge, à la tête du Kölner Kammerchor et du Collegium Cartusianum, s’ingéniant à inventer des climats émotionnels plutôt qu’à s’attacher pas à pas à une narration. Avec un effectif choral de plus large envergure, il réalise un travail nettement différencié, dessinant d’emblée le geste musical essentiel de chaque numéro. À l’intelligibilité notable des interventions de chœur répond une clarté instrumentale parfaitement équilibrée, sachant définir précisément la perception de chaque pupitre sans pour autant diviser l’ensemble. Tout donne à penser qu’un judicieux abord de l’acoustique exigeante de la Basilique permet à cette soirée de bénéficier de conditions satisfaisantes. À ce titre, on fera remarquer, entre autres détails qui ont certainement leur mot à dire dans le grand tout, qu’en plaçant le clavecin sous la clé de voûte, le concert d’hier lui offrait une omniprésence assez encombrante, pour ne pas dire disproportionnée, tandis qu’en l’assignant à la touche droite du plateau, Neumann le circonscrit à son rôle propre sans pourtant l’effacer.

Malencontreusement, le rôle-titre ne nous paraît pas bénéficier d’une prestation pleinement satisfaisante. Avec des récitatifs inutilement sur-articulés, une inflexion assez empruntée, voire quelques minauderies dans ses premières interventions, Johannette Zomer – dont, par ailleurs, nous n’avons jamais manqué de saluer le talent – accuse des aigus mal assurés, jusqu’à l’air Fond flatt’ring world profondément recueilli, avec lequel, enfin, elle livre un chant moins affecté. Wiebke Lehmkuhl est l’autre dame de la soirée, grand mezzo au timbre riche et chaleureux offrant à la partie d’Irene une sorte de réjouissante évidence dont témoignera le superbe Defend her, Heaven, impératif et onctueux tout à la fois. Septimius est avantageusement tenu par le ténor belliqueusement timbré – juste ce qu’il faut ! – Virgil Hartinger, doté d’un souffle particulièrement long qui l’autorise à beaucoup nuancer tout en libérant des harmoniques intéressantes. Si, pour commencer, cette voix sut paraître relativement lourde, elle étonne ensuite par la souplesse et l’agilité avec lesquelles elle se meut. Plutôt fiable, le contreténor britannique Alex Potter s’avère délicatement musical. Enfin, la voix de cette Theodora s’appelle Andreas Wolf, jeune baryton-basse allemand au timbre remarquablement épicé, toujours diablement impacté, à l’assise cordialement robuste, qui campe ici un Valens passionnant dont le Rocks, gibbets, sword and fire, corsé à souhait, laisse pantois.

BB