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Chroniques
Till Fellner ouvre son intégrale
des sonates de Beethoven
Premier des sept concerts au cours desquels Till Fellner se propose de donner l’intégrale des Sonates pour piano de Ludwig van Beethoven, cette soirée est plus particulièrement consacrée à l’Opus 31, groupe de trois sonates composées dans les années de transition 1801-1802, durant lesquelles le compositeur s’essaie à des chemins nouveaux.
Première de la série, la Sonate en sol majeur n°16 est restituée dans un climat un peu sage, peut-être même un peu raide – les lourés appuyés à la main droite et quelques imprécisions privent souvent l’Allegro vivace de son humour, tandis que le chant du Rondo laisse sourdre l’ennui malgré un entour plus séduisant. L’Adagio grazioso est un terrain plus propice aux qualités du pianiste. Sage encore, et sans emphase, le chant y est soutenu par une diction comme vaporeuse à la main droite, contrastée d’attaques clairement marquées, d’appoggiatures précises et sobres, de quelques traits d’ironie et d’une gestion attentive de la dynamique.
Nous ne dirons guère plus de la Sonate en ré mineur n°17 « La Tempête ». Une dynamique parfois roborative, l’épaisseur méditative du chant, plus propice à Schubert qu’à Beethoven, quelque chose de boueux – nous ne voyons pas d’autre terme – et comme grêlé d’éclaboussures dans les arpèges fortissimi, mais toujours cette belle qualité nuageuse des piani, malgré un tempo en deçà de ce que la partition attend : voilà pour l’Allegro. Très lent, l’Adagio déploie la préciosité d’une méditation presque excessive dans une atmosphère de choral sur un son quasi organistique traversé d’arpèges gazeux. L’Allegretto, enfin, toujours un peu lent, laisse percer la rusticité sévère d’une danse mesurée, le touché assez percussif et la terminaison rêche du son opposant leurs roulements de galets aux vapeurs du mouvement précédent. L’ensemble reste toutefois tenu, la phrase musicale pensée, mais comme prise encore dans les hésitations de la recherche.
Assurément, le troisième numéro, la Sonate en mi bémol majeur n°18, fait contraste en témoignant d’une maturité de jeu moins aventureuse, peut-être, mais plus achevée. Quasi-mozartien, l’Allegro échappe à l’amble un peu poussif des mouvements rapides de la première partie du concert. Plus homogène, la palette montre moins de cette bipolarité tranchée entre traits éthérés et claquements de cailloux. Enlevé et léger, non sans humour aux appoggiatures de la main gauche, il ouvre la voix à un remarquable Scherzo : Allegro vivace – que le pianiste, ne s’y trompant pas, offrira également en bis. Le chant s’y avère plus vigoureux. Sur un son d’une belle densité, les extrémités du registre expressif marient percussif et velouté en une grande musicalité. Appoggiatures joueuses et portés élégants du ritardando ferment un mouvement enlevé sur une tonalité nettement taquine. Si, en livrant, agréablement tissé dans la lenteur, l’élégance sans lourdeur de son chant, le Menuetto : Moderato e Grazioso fait à nouveau qualités des imperfections constatées dans les sonates précédentes, ces dernières refont surface dans les quelques accents un peu exagérés et résonances excessives du Presto con fuoco : ce n’est certes pas dans ces mouvements virtuoses que le jeu du pianiste, toujours honnête au demeurant, se révèle le plus convaincant.
Le concert se conclut sur l’Opus 101, ne contenant qu’un seul numéro, la Sonate en la majeur n°28, œuvre plus tardive (1816) et ancrée dans le langage de la seconde période de Beethoven. On y retrouve le jeu un peu lent, un peu lourd des premiers morceaux de la soirée, toujours une plus grande justesse dans les piani et le double registre vaporeux et percussif autour duquel semble aujourd’hui s’organiser le piano de Till Fellner. On en retient Sehnsuchtvoll assurément, les beaux perlés et la rondeur ostinato d’une basse arpégée dans le Lebhaft ma non troppo con affetto, l’élégance du contrepoint central du Vivace alla marcia, et, dans l’Allegretto ma non troppo, un dialogue bien maîtrisé entre rondeur des aigus et velouté des graves.
MD