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Chroniques
Tosca
opéra de Giacomo Puccini
C’est une Tosca peu convaincante qu’il nous fut donnée de voir et d’entendre à Tourcoing, ce dimanche. Plusieurs paramètres s’y conjuguèrent à construire une déception qu’il faut bien avouer, partant que l’exercice critique se doit de scrupuleusement rendre compte d’un ressenti.
Si l’on ne connaissait pas le travail de Christian Schiaretti et d’Arnaud Décarsin pour avoir pu l’apprécier par ailleurs [lire nos chroniques d’Il Barbiere di Siviglia de Paisiello et Die Dreigroschenoper de Weill], l’on croirait devoir affirmer que manque ici une véritable lecture de l’ouvrage et une direction d’acteurs digne de ce nom. Qu’un jubé vienne judicieusement fermer chaque acte est une réussite scénographique qui ne saurait résumer à elle seule le drame en jeu. De même l’envol des toits de Rome sur la chute finale de l’héroïne ne suffit pas, si belle soit-elle, à conclure l’opéra. Car, dans le décor stylisé de Renaud de Fontainieu, habité par les costumes respectueusement traditionnels de Thibaut Welchin, les protagonistes ne prennent pas corps.
Devra-t-on déduire de cet état de fait la relative tiédeur de certaines incarnations ? Ne nous prononçons pas, n’ayant aucun élément pour faire objectivement la part du jeu des artistes et celle des choix de mise en scène. Il demeure, en tout cas, que l’extrême dignité d’un Angelotti qui semble sortir du salon de coiffure et de l’échoppe du tailleur plutôt que des cachots du Castel Sant'Angelo, décrédibilise dès l’abord le propos. De même la mobilité réduite et l’uniformité de ton de Floria rendent-elles songeur. A la fois outrancier et bonhomme, le baron est de peu de poids dans une situation qui glisse parce qu’elle ne confronte pas les personnages.
Vocalement, l’on reste également sur sa faim : Sacristain forcé de Marc Boucher qui s’imposerait mieux en en faisant moins, Angelotti transparent de Renaud Delaigue, parfois instable cependant (lui dont le talent, pour l’avoir entendu dans d’autres répertoires, ne fait aucun doute), Scarpia à l’assise robuste de Pierre-Yves Pruvot dont s’avère hésitant le bas-médium, Tosca à l’italien brumeux de Hjördis Thébault dotée de superbes fulgurances dans l’aigu, mais ne nuançant jamais, ce qui enracine le rôle dans une brutalité rare. En tout et pour tout, les quelques échappées seront l’E lucevan’ le stelle assez aérien donné par un Gilles Ragon prudent, car souffrant d’un refroidissement, et un Io de sospiri gracieux de simplicité chanté par le Berger de Marie Planinsek, voix idéalement choisie.
À la tête des musiciens de l’Orchestre du Grand Théâtre de Reims, l’approche de Jean-Claude Malgoire laisse plus que perplexe. Abordant le premier acte en faisant un sort à tout au détriment de la dynamique, le chef cisèle les figures subalternes de la partition jusqu’à les porter au devant de la scène, oubliant le principal sans pour autant gagner en couleurs au passage. Bref, la fosse paraît exsangue, tout juste accompagnatrice, dans un surpiqué accompli comme à côté du tissu. La direction s’assouplit dans l’acte central, avec une cantate de coulisses soigneusement traitée. Au surgissement de Tosca dans le bureau du baron, l’on entre enfin plus fermement dans la musique de Puccini comme dans le drame qu’elle doit véhiculer. Le dernier acte se réconcilie avec notre écoute, introduit par une pastorale d’une infinie délicatesse.
BB