Chroniques

par bertrand bolognesi

Tosca
opéra de Giacomo Puccini

Opéra national de Paris / Auditorium Bastille
- 24 et 25 octobre 2007
© eric mahoudeau | opéra national de paris

Pour une nouvelle série de seize représentations, l’Opéra national de Paris reprend la mise en scène de Tosca que Werner Schroeter signait in situ il y a treize ans. La production n’a pas pris une ride : le minimalisme de son dispositif, un rien austère, stimule toujours aussi sournoisement l’imagination, dans un climat inquiet qui, tout en faisant de Sciarrone une sorte de rejeton innocemment maléfique qui danse la gavotte en tuant pour le seul plaisir de changer de passe-temps, n’affirme jamais l’horreur du drame. Ici, les tortures demeurent cachées, les cris sourds, voire absents, de même que sont à peine évoquées les sottises traditionnelles qui épiloguent la mort de Scarpia (chandeliers, crucifix, sauf-conduit, etc.). Si l’unique coquetterie de la production – la pantomime flottante de Marengo, pendant la chanson du pâtre – reste inutile, l’ultime chute de Tosca face au spectateur est saisissante.

L’on aura recours à deux distributions alternées pour le trio de tête. Aussi est-on agréablement surpris de constater qu’au pupitre Nicola Luisotti mène différemment sa lecture d’un soir l’autre, se mettant donc avant tout au service des chanteurs pour réaliser au mieux avec les qualités de chacun. C’est très rare ! Toujours attentif à l’équilibre entre le plateau et la fosse, il ménage un moelleux idéal à son interprétation, tout en affirmant l’urgence des situations.

Mercredi, Vladimir Galouzine donnait au peintre bonapartiste une couleur presque barytonante, profitant d’harmoniques graves jusque dans l’aigu. Malgré une présence dramatique indéniable, la fatigue actuelle de la voix laisse le souvenir d’un premier acte à l’arraché, d’un deuxième nettement plus souple et d’un dernier malencontreusement craqué. Son ennemi était Franck Ferrari, dont le placement vocal changeant, l’ignorance de toute ligne de chant, le peu de charme d’une voix qui ne se montre efficace que dans le haut-médium et le personnage campé le plus caricaturalement qui soit formaient un pâle matamore. Un rien bonne femme, Catherine Naglestad livrait une Floria amplement respirée, à l’aigu fulgurant, aux nuances toujours savamment menées, et un Vissi d’Arte à pleurer.

Le lendemain, Sylvie Valayre est une âpre Tosca à la noire et chaude sensualité, un personnage de feu (le grave semblera presque gitan, par moments). De fait, si le public put rire la veille lorsque se déploya la jalousie devant les yeux de la Sainte, il frémit ce soir. L’engagement dramatique fait alors se rejoindre le plus justement qui soit l’opéra de Puccini et le mélodrame de Sardou. L’on a rarement tué ainsi le bourreau. Et quel bourreau ! Avec une couleur effrayante dès les premiers mots, une présence infernale, Samuel Ramey fait de Scarpia un fauve qui soumet posément sa proie, par une gestion redoutablement stratège des forces à mettre en jeu. Avantageusement timbré, Marcus Haddock donne un Mario très clair, parfois un rien léger, mais attachant.

Les seconds rôles ne sont pas en reste. Yuri Kissin est un Sciarrone irréprochable, Christian Jacques compose un Spoleta élégant, tandis qu’on retrouve avec plaisir Wojtek Smilek, dignement expressif, en Angelotti.

BB