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Chroniques
Trio Opus 71
œuvres de Brahms, Bruckner et Mendelssohn
Déjà à l’origine du Quatuor Raphaël, fondé en 2010, le violoniste Pierre Fouchenneret [lire nos chroniques du 18 juillet 2012 et du 20 novembre 2011] forme le Trio Opus 71 avec Nicolas Bône, altiste solo de certaines formations européennes (Orchestre national de France depuis plus de vingt ans, Chamber Orchestra of Europe cinq années durant), et Éric Picard, premier violoncelle solo de l’Orchestre de Paris et actuel directeur artistique de Diabolicus. Le nom de leur ensemble témoigne du lien noué avec le théâtre malakoffiot où de nombreux « brunch musicaux » se déroulent en sa compagnie, tout au long de l’année.
Ce soir, flanqués de Geneviève Laurenceau (violon) et Vladimir Mendelssohn (alto) [lire notre chronique du 19 mars 2004 et du 8 juillet 2003], les trois artistes célèbrent le quintette à cordes avec deux altos, genre développé au XVIIIe siècle par Michael Haydn, frère cadet de Joseph – le Salzburger Haydn-Quintett vient d’enregistrer une intégrale chez CPO –, puis popularisé par Mozart. Au siècle suivant, Anton Bruckner (1824-1896) est d’avantage reconnu comme organiste que comme compositeur et, de nos jours, plus fameux pour ses symphonies que pour son Quintette en fa majeur (1879). Le deuxième mouvement initial (Scherzo) en fut provisoirement remplacé par l’Intermezzo en ré mineur, d’une approche plus facile pour le violoniste commanditaire. Joué comme une page seule depuis 1904, cet opus posthume ouvre le récital dans une douce ivresse, un rien pesante mais nuancée.
Figure incontournable du romantisme, Felix Mendelssohn (1809-1847) est encore adolescent au moment d’écrire son Quintette en la majeur Op.18 n°1 – remanié après 1826, créé à Paris en 1832. En revanche, c’est au soir de sa vie qu’il livre, sur les pas du Concerto pour violon Op.64 (1845), le Quintette en si bémol majeur Op.87 n°2, composé en 1845, puis créé en 1852 à titre posthume, sans les retouches prévues. D’emblée, la brillance du premier violon illumine l’Allegro vivace, alerte comme il se doit, qui s’oriente lentement vers une sombre plainte. L’Andante scherzando, bucolique et débonnaire, contraste avec l’avant-dernier mouvement, fluide élégie rendue sans pathos ni contraste appuyé. Babillarde et vindicative, l’ultime section est offerte avec une vivacité virtuose.
Le retour d’entracte fait entendre Johannes Brahms (1833-1897), romantique dans le fond, à la manière de Schumann dont la mort le bouleverse, mais classique dans la forme, en héritier de Beethoven. Comme pour Mendelssohn, il y eut d’abord un premier essai, celui en fa majeur Op.88 n°1 (1883), avant l’écriture du Quintette en sol majeur Op.111 n°2, durant l’été 1890, qu’il imagine alors son testament. Le mouvement initial évoque une domestication, tant son foisonnement exalté s’amadoue pour valser quelque peu. La tendresse définit également l’Adagio, mêlée de sursauts expressifs. Subtil ou grossier, comme d’un seul bloc, le troisième mouvement garde un certain mystère, auquel s’oppose le dernier, animé de surprises (gazouillis, farandole), reliefs et détours.
LB