Chroniques

par bertrand bolognesi

Tristan und Isolde | Tristan et Iseult
opéra de Richard Wagner

Opéra national de Montpellier / Corum
- 5 octobre 2006
Marc Ginot photographie l'infâme Tristan und Isolde (Wagner) de Lavaudant
© marc ginot | opéra national de montpellier

Les scènes françaises retrouvent Wagner, comme en témoigne une saison 2006/07 qui offre Lohengrin à Paris et à Lyon, Tristan à Toulouse, Der fliegende Holländer à Rouen, les premiers pas du Ring à Strasbourg et ses seconds à Marseille et Aix-en-Provence ; enfin, ce soir, la première d’une nouvelle production de Tristan und Isolde au Corum de Montpellier.

C’est principalement par l’Isolde d’Hedwig Fassbender que l’ouvrage s’y trouve le mieux servi. Soignant une ligne de chant idéale grâce à une émission parfaitement maîtrisée qu’une réelle expressivité vient magnifier, l’artiste présente une princesse irlandaise probante à qui l’on pardonnera une mort (note ultime dévolue à la voix) un rien trop courte.

« Tout d’abord », disions-nous…
Avouons qu’un excellent Melot ne suffit pas à honorer cet opéra. Si la Brangäne de Nora Gubisch possède indéniablement une riche pâte vocale livrée par une projection rondement menée, quelques instabilités (passage du philtre, entre autres), l’avarice de nuances et une diction improbable viennent discréditer l’incarnation. Wolfgang Schöne gratifie Kurwenal d’une couleur attachante, d’une articulation ferme à la projection évidente, d’un bel impact, d’une imposante présence scénique dont sait user une véritable interprétation, ce qui ne fait point taire les vertiges d’un vibrato irrémédiablement fatigué. On saluera l’émouvant Marke de Xiaoliang Li, plus proche par le format d’un Zarastro. L’on ne saurait, en revanche, se satisfaire de Richard Decker dans le rôle de Tristan – cela dit, la direction de fosse ne lui rend pas la tâche facile. Le gracieux aigu qui charmait dans Alwa [lire notre chronique du 2 février 2003] est cette fois raide et hasardeux. Il n’y a guère qu’au troisième acte que sa prestation retienne l’attention. Demeure – nous le disions plus haut – le ferme Melot d’André Heyboer [lire nos chroniques du 10 avril 2005 et du 21 juin 2006], ici judicieusement distribué.

Outre la conduite peu inspirée de Friedemann Layer, qui se contente de brosser administrativement les grandes lignes de la partition, on regrette la conception peu convaincante de Georges Lavaudant qui s’appuie sur une création du vidéaste François Gestin, l’un de ses complices du Théâtre de l’Odéon. Sur toute la largeur du cadre de scène, des projections de vagues sans ciel au premier acte, de passages de nuages et de colombes au deuxième, de flots écumants transformant des labours dans le dernier (tous ont un pied dans la tombe, à ce moment de l’opéra, rappelez-vous), renvoient le déroulement du spectacle à un imaginaire tant limité qu’anecdotique. Non seulement la proposition reste pauvre, mais sa réalisation s’avère esthétiquement navrante. De fait, c’est à une version de concert effectuée devant un diaporama que l’on assiste, sans autre mise en scène que quelques gestes assez convenus, toute la dimension dramatique s’y trouvant assurée par le métier et la sensibilité de chanteurs livrés à eux-mêmes.

BB