Chroniques

par laurent bergnach

Triumph of Beauty and Deceit
opera de Gerald Barry (version de concert)

City of Birmingham Symphony Orchestra
Présences / Radio France, Paris
- 24 février 2007
le compositeur britannique Gerald Barry photographié par Betty Freeman
© betty freeman

Retrouvant le City of Birmingham Symphony Orchestra comme lors de la soirée d'ouverture d'un festival qui lui consacre cette édition 2007, Thomas Adès dirige aujourd'hui deux œuvres courtes pour ensemble et un opéra d'une heure (en version de concert), Triumph of Beauty and Deceit. La première est composée par lui-même alors qu'il est encore étudiant au King's College de Cambridge. Chamber Symphonie, deuxième opus après les Five Eliot Landscapes [lire notre chronique du 10 février 2007], nécessite quinze instrumentistes. Adès en dirige la création le 24 février 1990. Comme plus tard dans Living Toys, Life Story (1993) ou Concerto Conciso (1997), les quatre mouvements d'un seul tenant regorgent de clins d'œil au jazz : ouverture aux cymbales, pizz' de contrebasse, glissando de clarinette, sans parler des trompette et trombone bouchés. Malgré une fin plus sensuelle qui privilégie les cordes et l'accordéon tenu par le pianiste, l'œuvre, à la première écoute, semble manquer de corps.

C’est surtout vrai en comparaison du joyeux collage (restons poli) qui suit, et sans doute est-ce à raison qu'un critique situa Tansy Davies entre Prince et Xenakis... Née en 1973, la jeune femme s'est établie en quelques années aux avant-postes de la nouvelle vague britannique, n'hésitant pas à puiser dans le rock expérimental. Sa pièce Falling Angel s'inspire d'un tableau de l'Allemand Anselm Kiefer – « j'ai été tout d'abord attirée par des textures abrasives qu'il tire des matériaux naturels, donnant ainsi simultanément intensité et rugosité ». À la recherche d'une musique « noire et brillante », la créatrice mêle nombre de sons disparates : raclement de cor, cordes grattées, rebonds d'archers, tapotage de steeldrum, tintements de xylophone, pépiement de clarinette et de piccolo, notes crues de synthétiseur, etc. On reste perplexe, mais le résultat a de la consistance et ne manque pas de faire sourire.

Enfin, nous retrouvons Gerald Barry [photo], dont La plus forte débutait cette dix-septième édition. Après la rencontre de deux rivales imaginée par Strindberg, voici une lutte allégorique : en quête d'éternité, la Beauté se laisse tenter par le Plaisir, mais le Temps (aux « dents occupées à manger les vers et les reines ») et la Vérité la mettent en garde contre le Mensonge – en vain. À part quelques passages a cappella, l'orchestre déroule sans répit une pâte sonore tendue, stimulant les chanteurs dans des débits endiablés. Virtuose, équilibré, le quintette approche la perfection : les contreténors Andrew Watts (Pleasure) et William Purefoy (Truth) allie puissance et legato pour le premier, expressivité et richesse de couleur pour le second ; Christopher Lemmings (Beauty) est un ténor nuancé, le baryton Roderick Williams (Deceit) s'avère aussi musclé dans le grave que dans l'aigu et la basse Stephen Richardson (Time) ravit par son chatoiement.

LB