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Chroniques
Trois contes
vidéo d’Emmanuelle Prager – musique de Maurice Ravel
Depuis leur création en 1983, les Percussions Claviers de Lyon proposent des spectacles qui bouleversent la forme du concert de musique de chambre. Après une adaptation de West Side Story invitant à le rejoindre quatre chanteurs des Solistes de Lyon-Bernard Tétu et le pianiste Fabrice Boulanger (Salle Gaveau, le 25 janvier dernier), l'ensemble revient en région parisienne avec un projet destiné à la jeunesse, mais qui ravira également le public d'un autre âge, pour peu qu'il soit curieux et à l'écoute de son âme d'enfant. Un peu comme Maurice Ravel lorsqu'il écrit pour piano à quatre mains Ma Mère L'Oye (1908-1910), une suite inspirée par des auteurs du XVIIIe siècle ayant nom Charles Perrault (La Belle au Bois Dormant,Le Petit Poucet), la comtesse d'Aulnoy (Serpentin Vert) et Mme Leprince de Beaumont (La Belle et la Bête).
Le compositeur lui-même ayant adapté sa pièce pour l'orchestre symphonique (1911) puis pour le ballet (1912), Gérard Lecointe croit légitime son travail de transcription débuté il y a une vingtaine d'années : « Si l'émotion de Chopin est née pour le piano, Ravel considère la musique en soi, indépendamment du registre instrumental qui la fait vivre. Des arrangements qu'un reste de préjugé romantique nous feraient juger sacrilèges n'auraient pas choqué Ravel a priori ». De fait, ce ne sont pas seulement des pages pour piano que l'on retrouve sous la frappe du quintette de percussionnistes (Le Tombeau de Couperin, Valses nobles et sentimentales, etc.) mais aussi des extraits de Daphnis et Chloé, ou cette Fanfare pour L'Éventail de Jeanne qui ouvre le spectacle sur un roulement de tambour.
Ces Trois contes doivent beaucoup au travail vidéastique d'Emmanuelle Prager. Côté cour, une lectrice virtuelle gracile – Véronique Bettencourt – brosse l'histoire à grands traits. Le panier d'osier à ses côtés, les cailloux blancs qu'elle manipule font le lien avec l'écran de fond de scène sur lequel vont se succéder un Petit Chaperon Rouge au visage sérieux, les fées ayant doté La Belle au Bois Dormant et les frères du Petit Poucet – cherchant un refuge sur ce même son de flûte qui accompagne la tombée de la nuit dans L'Enfant et les Sortilèges. Résolument modernes et colorées, les scènes jouées (terrible fuite des parents dans la forêt) alternent avec des tableaux quasi immobiles, en référence aux illustrations de Gustave Doré et à notre héritage culturel (Le Sacrifice d'Isaac de Caravaggio).
Parce qu'il met en présence des difficultés fondamentales de l'homme et qu'il est riche de tant de significations, Bettelheim rappelle que « le conte de fées, tout en divertissant l'enfant, l'éclaire sur lui-même et favorise le développement de sa personnalité ». Si l'humour est présent dans le spectacle (le loup à moto), c'est un suspense angoissant qui domine (scène de lit chez Mère-Grand ou repas interminable de l'Ogre), invitant les plus jeunes, dissipés dès qu'on leur en laisse l'occasion, à se concentrer sur l'enseignement du conte. Chacun pourra en faire l'expérience durant la tournée de ce projet original et soigné, à Bourg-en-Bresse (en mars prochain), à Limoges (avril) ou encore à Montpellier (mai).
LB