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Chroniques
Turandot
opéra de Giacomo Puccini
Ce dimanche, l’Opéra de Toulon accueille la production réalisée par Jean-Louis Pichon pour Saint-Étienne. Aussi, les opulences scénographiques de ce spectacle conçu il y a quelques années durent-elles rentrer les épaules pour se glisser sur la scène toulonnaise dont les dimensions s’apparentent peu à celles de l’Esplanade. Pourtant, tout y est : les nuages-baignoires des ministres, les ciels de dragons, les escaliers, y compris le recours systématique à une figuration copieuse. Plateau gagné, la créature relâchait le ventre, alors qu’il eut certainement mieux valu qu’elle perdît préalablement quelques kilos. Mais cette reprise, réussie dans l’ensemble, ne semble pas avoir bénéficié d’un regard aiguisé qui aurait su sainement procéder à certaines ablations.
Marco Zambelli, à la tête de l’Orchestre de l’Opéra Toulon Provence Méditerranée, dirige avec prudence, enthousiasme et efficacité sa première Turandot, prenant soin d’indiquer scrupuleusement sa conduite aux artistes qu’il prend par la main, pour ainsi dire. On relèvera la cohérence dramatique de sa lecture, mais également de belles tentatives, comme une demi-teinte savamment mystérieuse ménagée à Faccia pallida, par exemple.
La distribution vocale réunie au service du dernier ouvrage de Puccini demeure inégale.
On passera vite sur la prestation de Maria Dragoni dans le rôle-titre, témoignage d’une voix qui ne possède de son âge d’or que la puissance, d’une artiste qui semble avoir perdu jusqu’à la présence scénique et qui ternit sa carrière en lui refusant la digne lumière du crépuscule. Dominique Rossignol donne un Altoum généreusement nasalisé et tout à fait crédible, Jean-Marie Delpas est un Mandarin solidement sonore, tandis que le grand métier de Luigi Roni confère à Timur cette autorité naturelle qu’on attend du rôle. C’est dans le trio des suppôts hydrocéphales du pouvoir pékinois que l’on constatera le plus sérieux déséquilibre, Ivan Matiakh peinant et s’essoufflant en Pang, Philippe Talbot livrant un Pong plutôt terne, alors que le Ping de Paul Kong bénéficie d’une pâte vocale avantageuse, d’un chant toujours excellemment conduit – délicieuse onctuosité de Ho una casa nell’Honan, notamment -, dans un format particulièrement confortable.
Nous retrouvons en Calaf le Coréen Jeong Won Lee qui promène le rôle sur de nombreuses scènes [Budapest, Bergame, Saint-Etienne, Bordeaux, etc. – lire notre chronique de son incarnation marseillaise du 21 juin 2006], dont le chant s’avère aujourd’hui moins souple qu’à l’accoutumée, utilisant parfois de façon heurtée les incontestables moyens de sa voix attachante, révélant une curieuse nervosité dans l’émission qui provoque une carence dynamique. Cela dit, si l’on regrette un Nessun dorma sans moelleux, voire brutal,la vaillance attendue est bel et bien au rendez-vous. Enfin, en dépit d’une diction italienne approximative et d’une relative avarice de nuances, saluons la Liù sensible d’Irina Lungu à la couleur plus charnelle que celle rencontrée habituellement dans ce personnage.
Si l’on devait dresser un portrait type des soucis rencontrés par les chœurs de la plupart des maisons d’opéra françaises, l’on dirait que souvent les ténors malmènent la justesse en faisant bande à part et que les basses entrainent la masse chorale en enfer. Le Chœur de l’Opéra de Toulon est peut-être l’exception qui confirme la règle, car l’on y remarque des alti parfois incertains et des soprani régulièrement faux, tandis que les ténors sont irréprochables et que les basses assument leur charge avec une musicalité où sourdent certains éléments probants. Il y a donc un bel effort à fournir pour construire un nouvel équilibre pupitral à l’ensemble afin de profiter de tous les aspects d’une partition. Outre cette question, projetant le spectateur dans une Cité Impériale désertifiée par la toute récente grippe aviaire, l’insuffisance d’effectif est pour beaucoup dans ce rendu assez moyen.
BB