Chroniques

par irma foletti

Turandot
opéra de Giacomo Puccini

Macerata Opera Festival / Sferisterio
- 13 août 2017
Turandot avec ours blanc, dans la mise en scène de Stefano Ricci et Gianni Forte
© alfredo tabocchini

Si les trois spectacles lyriques présentés cette saison au Macerata Opera Festival sont originaux dans leur traitement visuel [lire notre chronique de la veille], la nouvelle production imaginée par Stefano Ricci et Gianni Forte – en collaboration avec le Théâtre national croate de Zagreb (Hrvatsko narodno kazalište) – est très certainement la plus décalée, dans la filiation directe d'un Regietheater aujourd'hui tout-puissant.

Avant le début de la représentation, des hommes vont et viennent sur scène, en combinaison, masque et col de fourrure, dans une possible situation d'accident nucléaire de type Fukushima. Sur le plateau, quatre présentoirs géants formant une espèce d'écomusée, un ours polaire dans l'une, des plantes en pot sur deux niveaux dans une autre, et Ping, Pang, Pong qui s'en occupent amoureusement, taillant, déplaçant, les observant à la loupe. À son arrivée, Turandot salue comme la reine d'Angleterre, défilant à dos d'ours blanc... pourquoi pas, elle est après tout la principessa di gelo ! À la mort du premier prince qui a échoué dans les épreuves, les enfants choristes sont aussi abattus à coups de pistolet, Liù et Timur marchent main dans la main, habillés comme de jeunes mariés.

Pendant les airs, les duos, des comparses tournent autour des protagonistes, manipulent leurs bras pour, par exemple, constituer une chaîne humaine en avant-scène, où les hommes semblent électrocutés lorsque Calaf se déclare candidat. Pendant les énigmes, un présentoir est rempli de sang et Turandot y patauge, s'y vautre. On relève encore une mort de Liù inhabituelle, où la pauvre est tuée par Turandot d'un coup de pistolet à bout portant.

Musicalement, la direction de Pier Giorgio Morandi, à la tête de l’Orchestra Regionale delle Marche, est particulièrement lente dans les premières mesures et fait preuve le plus souvent d'une grande franchise, parfois de grandiloquence. Après l'annulation d'Irène Theorin programmée dans le rôle-titre, à la suite d'un accident survenu après la première, la prestation de sa doublure France Dariz est une révélation. Le soprano français assure le rôle sans problèmes – ce qui est déjà énorme ! –, les aigus partent vaillamment, toutefois en limite du cri pour certains, et les graves sont également superbement exprimés. Elle recueille des brava très nourris à l'issue de la représentation. Habituel titulaire du rôle de Calaf, le ténor Rudy Park ne se montre pas en si bonne forme, voix de couleur barytonnale accusant de nets moments de fragilité dans l'aigu, mais il se sort sans incident de son grand air Nessun dorma du troisième acte. La Liù de Davinia Rodriguez est encombrée d'un petit voile sur le timbre et le registre aigu est plus perçant que réellement aérien. Le Timur d'Alessandro Spina est jeune et agréable, les Ping, Pang et Pong – respectivement Andrea Porta, Gregory Bonfatti et Marcello Nardis – étant bien meilleurs ensemble qu'entendus séparément. Le chœur enfin, d'un son pas toujours bien homogène, chante avec vigueur et entrain.

Au bilan, un spectacle novateur où le duo Ricci-Forte, « enfants terribles » du théâtre en Italie, ont tout de même, pour ce qui constitue leur premier grand spectacle d'opéra, épargné aux spectateurs la nudité et autres scènes de sexe explicites.

IF