Chroniques

par bertrand bolognesi

UBS Verbier Festival Chamber Orchestra
Der Tod und das Mädchen de Schubert version Mahler

Meascha Brueggergosman chante Knoxville Summer of 1915
Verbier Festival and Academy / Médran
- 26 et 30 juillet 2008
Meascha Brueggergosman chante Barber au Verbier Festival and Academy 2008
© mark shapiro

En une semaine passée au Festival de Verbier, nous entendions par deux fois son orchestre de chambre. Samedi soir, Joshua Bell dirigeait de l'archet le Concerto pour violon en ut majeur Hob.VIIa :1 de Haydn dont l'Allegro initial eut à souffrir de l'abondante pluie s'abattant sur la toile blanche avec force fracas. Pourtant, on a distingué une articulation légère et une cadence brillante qui sut ne pas trop en faire, contrairement à la tendance habituelle de cet artiste. Après la délicate évidence de l'Adagio central, le Presto final parut raisonnablement contrasté. L'aigu du soliste ne s'est pas toujours montré très exact, dans une interprétation moins affectée qu'on s'y était attendu.

Après quelques Lieder arrangés par Plummer et dont nous vous parlerons dans un autre article, l'UBS Verbier Festival Camber Orchestra jouait Der Tod und das Mädchen, le Quatuor à cordes en ré mineur D810 de Schubert transcrit par Gustav Mahler. Plutôt que de renier sa lourdeur intrinsèque, Bell eut l'intelligence de la prendre si bien en charge qu'elle devint un atout plutôt qu'un handicap, neutralisant parfaitement l'inertie du plus vaste effectif. L'œuvre parut immanquablement symphonique, faisant entendre aussi bien le transcripteur que l'original. L'Allegro parut alors extrêmement dynamique, dans une inflexion d'une grâce qu'on pourrait dire « féminine ». Malgré des unissons de violons souvent aléatoires, la riche souplesse du tactus et le côté farouche de l'accentuation ont mené une interprétation passionnante, rehaussée par la présence musclée des contrebasses (proches de la Symphonie n°2 de Mahler). Le mouvement lent s'installait dans une dignité profonde, s'apparentant plus à la prostration qu'à la pudeur. L'impulsion s'y fit à plusieurs reprises génialement nauséeuse, avant une seconde partie infiniment nuancée dont l'heureuse fluidité contrariait confusément le paysage sans cesse plus brumeux. Vigoureuse, la variation s'affirmait sombre dans une obstination douloureuse où pointait un lyrisme larvé dans l'opalescente mobilité des affects – le précieux échange du sextuor n'en parut que plus clair ! Après un Scherzo mafflu à la nervosité grisante, l'effervescence du Presto accusait une tonicité nimbée de vertige, élégante et sans manière. Une monstrueuse angoisse dominait l'ardente chevauchée, rendue fébrile par les choix dynamiques de cette interprétation inspirée.

Mercredi soir, après une première partie plus intime, Gábor Takács-Nagy dirige Siegfried Idyll de Wagner. Immédiatement se manifeste le travail nettement plus soigné des cordes. S'accordant un rien de sucre dans les rubati, le dosage de l'inflexion se révèle plutôt subtil. Les interventions des bois bénéficient d'une belle découpe, dans une conduite finement ciselée de la nuance. Outre que le choix de cette œuvre s’avère idéal pour mettre en valeur chaque pupitre (octuor à vent particulièrement à l'honneur), le chef tire le maximum de la jeunesse qui lui fait face, mettant en scène une prompte exaltation.

La soirée s'achève en apothéose avec Knoxville : Summer of 1915 Op.24 composé par Samuel Barber sur un extrait du début d'A death in the familly, l'autobiographie de James Agee (plus connu pour ses scénarii – The Night of the Hunter, The African Queen, etc.) construite autour de la mort de son père. Souffrante, Barbara Bonney est remplacée par Meascha Brueggergosman [lire notre chronique du 4 juin 2007] dont le sublime velours vocal, la sensibilité et le charisme servent l'œuvre et ravissent le public. À la tendresse chantante du trio de vents des premiers pas répondent des cordes moelleuses, Gábor Takács-Nagy s'ingéniant à magnifier le moindre détail de l'orchestration. L'onctuosité indicible de cette exécution rencontre un relief jouissif que l'expressivité du soprano transcende plus encore. Le timbre est attachant, l'investissement généreux, le chant des plus inspirés, doté d'un aigu souple, arrivant comme de lui-même, dans le même impact. Les digressions inquiètes de la partition se solutionnent dans la nostalgique réminiscence du thème principal, saisissant d'émotion.

BB