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Chroniques
Un ballo in maschera | Un bal masqué
opéra de Giuseppe Verdi
Nous retrouvons ce soir les musiciens enthousiastes de l’Orchestra of English National Opera, appréciés hier dans Roméo et Juliette de Gounod [lire notre chronique de la veille]. Un autre classique du répertoire lyrique est programmé par l’édition 2018 du Grange Park Opera qui en commandait nouvelle production à Stephen Medcalf [lire notre chronique du 25 février 2009] : Un ballo in maschera, le célèbre drame suédois de Verdi, transposée à Boston par les censeurs napolitains. Au pupitre, Gianluca Marcianò – par ailleurs directeur artistique de l’Al Bustan Festival (Beyrouth) et chef principal de l’Opéra national Serbe de Novi Sad (Српско народно позориште, Нови Сад) – réussit l’exploit de servir avec sensibilité l’appareil mélodique typiquement verdien tout en maintenant toujours son approche dans une clarté stimulante, animée par des tempi intelligemment choisis. L’interprétation de l’Italien fait tout le sel de cette soirée qui, pour ses autres composantes, laisse assez tiède.
Les autres atouts de ce Bal masqué sont les incarnations superlatives de Riccardo et Renato. Ce dernier est élégamment campé par Roland Wood, baryton conduit avec fermeté dans la passion et la vengeance, développant progressivement des couleurs très noires, sans oublier une autorité de stentor. Quant au premier, même succès pour le jeune Vincenzo Costanzo (vingt-sept ans), ténor vaillant et lumineux auquel les années donneront la souplesse nécessaire – à l’heure actuelle, on admire les moyens prodigieux du chanteur plutôt que son interprétation du rôle, mais bientôt, attention, ce garçon fera des miracles ! Le reste du cast ne possède guère de quoi satisfaire dans cet ouvrage exigeant dont on a peut-être trop de grandes références en tête. Le soprano colorature de Tereza Gevorgyan n’est pas fautif en Oscar, sans pour autant susciter de véritable intérêt musical. Saluée pour son grave prenant [lire nos chroniques du Trovatore et du Requiem], le contralto Elisabetta Fiorillo accuse aujourd’hui un organe aussi généreux que fatigué. La pâte est flatteuse, la présence donne le frisson, comme se doit toute Ulrica digne de ce nom, mais l’intonation n’est pas des plus stables. Enfin, Amelia est tenue avec une rigueur glaçante par Claire Rutter, soprano dramatique à gros volume sonore qui, tout en travaillant avec adresse la nuance, ne génère aucune émotion. Ne manquons pas de mentionner les artistes du Chœur de l’ENO pour leur prestation en tout point convaincante et louable.
Dans un décor colonial signé Jamie Vartan (un peu trop rutilant sous les projecteurs de David Plater), la mise en scène de Stephen Medcalf oscille habilement entre grandes scènes d’ensemble et moments intimes. Outre les costumes de Nicky Shaw qui situent précisément l’action, la présence d’une cohorte de drapeaux étasuniens et du portrait de Washington éloigne définitivement de la première version. Sans qu’il faille chercher dans ces figures une signification digne d’approfondissement, tout cela fonctionne gentiment, contrairement à l’oracle d’Ulrica, franchement ridiculisé par des oripeaux qui la précipite dans l’exagération. Mais, globalement, le divertissement remplit sa charge – sans qu’on comprenne pourtant la raison pour laquelle Oscar paraît ici s’être échappé d’une pellicule de Sergio Leone…
HK