Chroniques

par katy oberlé

Un giorno di regno | Un jour de règne
dramma giocoso de Giuseppe Verdi

Festival Verdi / Teatro Giuseppe Verdi, Busseto
- 10 octobre 2018
Le Festival verdi de Parme 2018 affiche une rareté : Un giorno di regno...
© roberto ricci

Retour en Italie, pour mes premières chroniques de cette rentrée lyrique, en commençant par le très charmant petit théâtre de Bussetto où l’on donne une rareté. Un an a passé depuis l’émerveillement dans lequel nous avait laissés le Festival Verdi de Parme [lire nos chroniques des 28 et 30 septembre, ainsi que du 1er octobre 2017]. Si la précédente édition présentait, en collaboration avec le Concours international Voix verdiennes comme c’est également le cas aujourd’hui, un grand classique du maître [lire notre chronique du 29 septembre 2017], les équipes du Teatro Regio de Parme et du Teatro communale de Bologne s’attellent, depuis le 28 septembre, au Verdi buffo mal aimé d’Un giorno di regno. À partir d’une pièce d’Alexandre Duval (1767-1842), Le faux Stanislas (1809), adaptée en livret par le fameux Felice Romani, le compositeur, sous l’impulsion de l’imprésario Bartolomeo Merelli, écrivit un opéra en deux actes dont la création eut lieu à la Scala le 5 septembre 1840. L’échec fut tel que la maison suspendît les représentations tout de suite après la première ! Cette incursion du jeune musicien hors du modèle serio ne supporte guère la comparaison avec le maître incontesté du genre qu’était alors Rossini. Bien qu’on puisse lire depuis que ce four pourrait être dû à de mauvais choix de distribution et un manque de préparation, il n’empêche, cela continue de faire flop, malgré toute la bonne volonté à l’œuvre ce soir.

Et à parler casting, celui du jour caractérise facilement les protagonistes de ce dramma giocoso. Le jeune ténor Andrea Schifaudo brûle les planches en Comte d’Ivrea vif et ductile. Son collègue de tessiture ne le lui cède en rien : Rino Matafù offre au personnage de Delmonte un timbre lumineux, un chant vaillant et une de ces présences dont aucune femme ne se lassera jamais ! En affairiste autosatisfait La Rocca, le baryton-basse Matteo D'Apolito montre un timbre solide. Le ténor slovène Martin Sušnik livre un Edoardo di Sanval d’une appréciable clarté servi par un phrasé de pure élégance qui donne envie de l’entendre dans le répertoire français. La toute jeune Diana Rosa Cárdenas Alfonso, mezzo cubain à peine révélé dont la qualité de la voix, le charisme et le talent promettent beaucoup, se joue sans problème de la partie de Giulietta di Kelbar. Premier prix au Concours Città di Busseto, Gioia Crepaldi dispose d’un soprano agile et puissant : sa Marchesa del Poggio satisfait musicalement, bien qu’il manque encore un peu d’abatage à l’artiste pour occuper la scène. On retrouve le grain velouté du baryton Giulio Mastrototaro en Barone di Kelbar très attachant [lire nos chroniques des 29 juillet et 11 mars 2018, du 4 février 2014 et du 18 février 2011]. Enfin, le rôle du Cavaliere Belfiore, alias Stanisław Leszczyński, est magnifiquement incarné par Michele Patti : d’un baryton brillant, corsé même, il mène le jeu et séduit tout son monde [lire notre chronique du 10 août 2017]. Dans l’ensemble, les chanteurs s’amusent et se démènent sans compter pour défendre l’entreprise.

Préparé par Andrea Faidutti, le chœur s’en sort haut la main, tandis qu’en fosse l’Orchestra del Teatro comunale di Bologna mérite les louanges pour sa tentative d’animer la partition verdienne de cette vivacité propre au genre bouffon. À sa tête, Francesco Pasqualetti soutient et stimule efficacement la représentation, sans parvenir à convaincre quant à l’intérêt véritable de l’ouvrage. Plusieurs fois salué pour la grande qualité esthétique de ses mises en scène [lire nos chroniques de Dido and Æneas, Francesca da Rimini, Sakùntala et Norma], Massimo Gasparon qui signe également les costumes, les décors et la lumière, reprend un projet original du grand Pier Luigi Pizzi, qui date de deux décennies. Sans doute fut-il assez difficile de transposer l’emphase pizzienne dans les petites dimensions du Teatro Verdi de Busseto ! Plutôt que d’y voir un obstacle, Gasparon parvient parfaitement à en faire une qualité en s’appuyant plus sur le jeu que sur la scénographie. La présence d’un étal de jambons de Parme ajoute à l’aventure une touche rafraîchissante et un brin d’autodérision.

KO