Recherche
Chroniques
une ouverture chambriste
L’édition 2006 du festival Musica propose de rendre hommage à la jeunesse – une fois n’est pas coutume. Un tel choix génère immanquablement une dynamique parfois exclusive, s’interrogeant sur les notions de modernité et le rapport au passé. Du reste, on remarquera que cette orientation circonscrit le passé lui-même à une cristallisation de ce que l’on put considérer autrefois comme la modernité, en dessinant un paysage musical historique d’environ un siècle, depuis les réformateurs viennois jusqu’aux créations des compositeurs d’aujourd’hui dont le plus jeune, pour cette mouture, est né en 1983 (Paulus Oomen). En niant des inspirations qui regardent plus loin dans le passé jusqu’à renouer avec la tonalité, en évoquant discrètement, pour ne pas dire prudemment, la tabula rasa darmstadtienne, ce menu, plus que de renoncer à l’exhaustivité, entend sans doute affirmer et servir une nouvelle modernité. Parce qu’on ne manquera pas d’observer l’absence d’une agitation plus radicalement tournée vers l’avenir, le possible état des lieux qu’il saurait susciter demeurera cependant consensuel et sans débats, préférant arrêter sa grammaire au présent et au passé simple – et parfois à un présent un rien nostalgique dont l’affect pourrait bien rejoindre malgré lui les courants dits néo – alors qu’un futur, un futur antérieur et un passé simple – la conjugaison de l’action – auraient été souhaitables. Si tôt fait le présent se défait ; le trop contempler évire et fossilise.
Le réel mérite d’une telle programmation est de faire entendre les œuvres de nombreux musiciens, de présenter plus de vingt créations mondiales et autant de premières auditions françaises. La première journée de Musica investit l’Auditorium de la toute jeune Cité de la Musique et de la Danse, un lieu aux proportions et à l’acoustique idéales pour la musique de chambre que Strasbourg gagnerait à occuper de façon régulière afin de compléter les saisons musicales qu’elle offre à son public.
Le Quatuor Danel et Pascal Contet ouvrent la fête, à 18h, avec Capt-Actions, une pièce pour quatuor à cordes, accordéon et dispositif de captation gestuelle écrite par Ivan Fedele l’an dernier, avec la complicité de Benjamin Thigpen et de Thierry Coduys de La Kitchen. Les instrumentistes portent des vêtements de fibre optique intégrant des capteurs dont les signaux sont intégrés par la spatialisation, de sorte que la conception générale focalise plus que jamais sur le geste instrumental. Ce dispositif dicte de nouvelles contraintes, comme celle d’une partition défilant sur un écran que chaque musicien actualise en pressant une pédale, par exemple. À cette œuvre d’une grande énergie succèdent les Quatre pièces pour quatuor à cordes de Bruno Mantovani, dessinant une grande forme magistralement maîtrisée que les Danel servent avec une extrême précision.
En soirée, les musiciens du Modern Ensemble introduisent leur concert par une exécution particulièrement décevante du Concerto de chambre de György Ligeti. On s’étonne d’avoir à constater que l’insuffisance du chef, tant dans son inspiration que dans son geste, met en péril une formation d’un tel niveau, au point de rendre approximatif, terne et ennuyeux une œuvre passionnante. Difficile, ensuite, de se faire une opinion sur les pièces moins connue… De fait, Knochen d’Enno Poppe demeure livré, sans plus. De même Terzenseele d’Arnulf Herrmann et Rondo de Johannes Schöllhorn, qui laissent soupçonner une incompréhension totale des dynamiques qu’elles exigent. Seul Configurations/Reflet de Johannes Maria Staud s’avère traité avec un peu plus de soin par le bras ingrat de Sian Edwards.
BB