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Chroniques
Vêpres solennelles de San Marco
Rinaldo Alessandrini « chante » Monteverdi
Félicitons le Festival de Saint-Denis pour son excellent choix de programmer les Vêpres solennelles de San Marco à la Basilique. Une nouvelle fois preuve est ainsi faite qu'une acoustique déconseillée à l'obésité postromantique convient mieux aux effectifs de la musique ancienne. Rinaldo Alessandrini présente sa reconstitution des Vêpres solennelles de Monteverdi, dans une interprétation si charnelle qu'elle pourrait poser l'éternelle question de l'incarnation christique, de la distance ou de la douleur de la crucifixion. Ce soir, le chef invite les voix à affirmer, loin d’un excessif recueillement hors de propos, toute la magnificence de cet univers ; il dirige son Concerto Italiano dans une lecture qui n'a cure d'un travail de couleur, concentrant judicieusement l’énergie sur un exquis rendu du rapport entre chaque ligne.
À ses côtés, l'octuor vocal, bien qu'efficace, n'est pas toujours homogène. En dehors des échanges solistes, bondissants et pleins de vitalité, et d'un relief littéralement organique (entendre instrumental dans la facture et la variété des attaques), les ensembles sont soigneusement équilibrés. On y remarque avant tout les basses Matteo Bellotto et Sergio Foresti qui offrent un socle robuste à toute l'exécution, le timbre du dernier cité s'avérant somptueusement coloré, doté d'une émission ferme et d'une projection parfaite qui rendent très présente cette voix attachante – quel relief dans Juravit Dominus du Psaume 109 ! Amené avec grande élégance, le Psaume 110, d'un caractère moins virevoltant, laisse dominer le texte qui se révèle essentiel : c’est l’imparable contre-démonstration à ceux qui continuent de penser qu'il aurait fallu attendre la musique de la Réforme pour que les compositeurs s'attachassent au sens des mots.
De manière inattendue, l'acoustique prête son concours à Rinaldo Alessandrini pour mettre à jour la relative modernité harmonique du Psaume 111, ses dissonances et audaces ici soulignées par un magnifique geste musical, plus méditatif. On regrette cependant la maladresse de Vincenzo Di Donato dans la vocalise du véloce Gloria. La richesse et la variété du Psaume 112 résident dans l'instrumentation et dans l'opposition entre des séquences rythmées et des passages plus inertes, tandis que dans le 116, Laudate et Quoniam se croisent de plus en plus, jusqu'à devenir des termes génériques scandés à l'antique.
Moins gracieux, Alessandrini accuse théâtralement les frottements harmoniques d’Exultet orbis gaudiis sans atteindre un résultat notable ; en revanche, ses cordes élèvent les voix vers une sphère plus sereine. La succession de caractères du Magnificat est joliment mise en valeur, Sergio Foresti prenant une nouvelle fois le devant de la scène en menant posément son chant, jusqu'au Semper, et in sæcula qu'il rend diablement intelligible. Saluons également la prestation du ténor Luca Dordolo qui, bien que mal à son aise dans les vocalises de Monteverdi, est idéal dans les antiphones grégoriens.
BB