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Chroniques
Věc Makropulos | L'affaire Makropoulos
opéra de Leoš Janáček
Huitième et avant-dernier opéra de Leoš Janáček, composé sur deux années (du 11 novembre 1923 au 12 novembre 1925), Věc Makropulos fait suite à la création de la pièce éponyme de Karel Čapek à Prague, en novembre 1922. Profondément impressionné, le musicien confie son envie d'une adaptation lyrique à un auteur favorable mais réservé : « j'ai une trop haute opinion de la musique – et de la vôtre en particulier – pour l'imaginer liée à un style aussi familier, aussi peu poétique et aussi verbeux que mon Affaire Makropoulos. Je crains que vous ne songiez à tout autre chose, quelque chose de mieux que ce que ma pièce offre vraiment – à part son personnage de trois cents ans… ». C'est effectivement l'héroïne pittoresque de cette histoire fantastique qui intéresse Janáček, dominant un livret écrit de sa main où la dimension philosophique du sujet est écartée au profit d'une peinture du genre humain, avec ses faiblesses, ses rêves et ses vanités – une femme malheureuse qui envie le sens et la valeur que chaque mortel peut autour d'elle donner à sa vie.
De l'œuvre créée à Brno le 18 décembre 1926, Dmitri Bertman livre une vision superficielle à l'esthétique surannée, décevante comme le fut celle d'un autre destin de femme, l'an passé [lire notre chronique du 15 mars 2007]. Dessinant des arbres tordus ou des concrétions caverneuses dans la pénombre, l’unique décor révèle ensuite une muraille de papier où apparaissent des silhouettes évidées. C'est joli mais surchargé, d'autant que des spectres blafards s'animent à l'arrière, au premier étage – bientôt rejoints par le jeune Janek Prus. Le papier recouvre également le sol, feuilles qu'on ramasse comme pour s'occuper ou dans lesquelles on se prend les pieds. Le jeu frôle souvent l'outrance : Albert Gregor ébauche un strip-tease, Janek fait l’idiot de village, le Machiniste se roule (littéralement) dans le stupre avec la Femme de ménage, le pire étant cette Emilia Marty sans charisme et sans mystère, maniérée et minaudant telle Arielle Dombasle sur un plateau de télé.
Créatrice du rôle-titre en Russie (2003), Natalia Zagorinskaïa offre un chant efficace mais assez raide et sans nuances. Nikolaï Dorojkine (Gregor) déçoit plus encore : facilement couvert, parfois lointain, il n'est pas toujours juste. Heureusement, d'autres artistes sauvent la soirée : les ténors Andreï Palamarchouk (Vítek vaillant), Ilya Ilin (Janek au timbre idéalement juvénile) et Mikhaïl Serychiev (Hauk-Schendorf coloré et expressif, déjà remarqué sur cette même scène [lire notre chronique du 7 décembre 2004] ; les basses Alexeï Tikhomirov (Kolenatý onctueux) et Dmitri Ovchinnikov (Machiniste amplement sonore) ; le baryton Sergueï Yakovlev (Jaroslav Prus plein de prestance, à la voix saine, au chant droit et bien projeté) ainsi que Marina Kalinina (Krista attachante, à l’émission souple et aisée).
En fosse, Dominique Rouits et l'Orchestre de l'Opéra de Massy peinent à se débarrasser d'un son souvent rêche, grevé par des cuivres assez frustres.
LB