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Chroniques
Vincenzo Bellini | Norma, tragedia lirica (version de concert)
Karine Deshayes, Amina Edris, Michael Spyres, Krzysztof Bączyk, etc.
Comme on pouvait le prévoir, Norma, donné en un concert unique, fait salle pleine au Grand Théâtre de Provence. À la tête de l’Ensemble Resonanz, Riccardo Minasi – violoniste et chef d’orchestre surtout connu dans le répertoire baroque italien, entendu de nombreuses fois avec l’ensemble Il Pomo d’oro qu’il a créé il y a dix ans – s’éloigne des habitudes d’écoute du chef-d’œuvre de Bellini, par un son plus détaillé et moins brillant – mis à part les cuivres et les percussions qui ont tendance à écraser les autres pupitres par moments –, et surtout par des choix originaux de tempi. Le rythme s’accélère régulièrement, ceci dès l’Ouverture, rapide, avec plus tard l’exemple frappant du duo entre Norma et Adalgisa, Oh! Rimembranza!, d’ordinaire d’une lente mélancolie, pris ici à vive allure. Ces options renouvellent l’approche musicale de l’opus sans sacrifier à la qualité de l’interprétation, parfois spectaculaire, comme l’extrême mordant des cordes dans certaines attaques.
Encore davantage que la partie instrumentale, les choristes de Pygmalion font entendre un son assez rond, d’essence baroque, une élégance collective alliée à une application dans l’élocution du texte, tandis qu’à l’opposé les passages les plus dramatiques manquent sans doute d’un peu de métal.
C’est un lourd défi que relève Karine Deshayes, à la fois en prise de rôle dans Norma et pour ses débuts au Festival d’Aix-en-Provence. Si la chanteuse a plusieurs fois interprété Adalgisa par le passé, l’évolution de sa voix depuis le mezzo vers le soprano autorise aujourd’hui cet emploi recherché par à peu près tous les soprani. Son engagement dans le personnage est palpable, la partie centrale de la voix est somptueuse, exprimée avec un legato joliment déployé dans la cantilène Casta Diva, alors que l’abattage et la technique belcantiste viennent à bout des passages les plus rapides. On apprécie aussi l’inspiration des petites variations insérées dans les reprises, alors que certains aigus, vraiment tranchants, perturbent quelque peu l’élégance vocale et donnent à la prêtresse un caractère le plus souvent agressif et vengeur.
Amina Edris chante magnifiquement Adalgisa, avec sa voix puissante et d’une belle rondeur, à la musicalité délicieuse [lire nos chroniques des Indes galantes et de Traviata]. L’agilité est aussi bien en place et les qualités conjuguées des deux interprètes féminines aboutissent à de somptueux duos où les séquences élégiaques précèdent la virtuosité, avec vocalises et notes piquées. En Pollione, Michael Spyres impressionne encore plus par des notes graves de vrai baritenore que par un registre aigu un peu trop mat. Son premier mot enflé sur Svanir le voci! enthousiasme les oreilles, mais de quelques aigus l’on attendrait une projection plus insolente, plus éclatante. Krzysztof Bączyk est un Oroveso d’école, autoritaire dans l’accentuation, martial même dans son air d’entrée qui tire un peu vers la marche militaire, extrêmement marqué [lire nos chroniques de Requiem, Don Carlos et Alcina]. Dans les rôles plus secondaires, on remarque surtout Julien Henric, ténor très vaillant en Flavio [lire nos chroniques d’Anna Bolena et de Turandot], la distribution étant complétée par la Clotilda de Marianne Croux [lire nos chroniques de Trois mélodies sur des poèmes de René Leynaud et d’A quiet place].
IF