Chroniques

par hervé könig

Vox Luminis
un Noël baroque allemand

Bach, Pachelbel, Praetorius, Scheidt, Schein et Schütz
Philippe Maillard Productions / Oratoire du Louvre, Paris
- 16 décembre 2014
l'ensemble belge chante un Noël baroque allemand à l'Oratoire du Louvre (Paris)
© ola renska

La semaine prochaine, c’est Noël ! Pour l’ensemble Vox Luminis, cela veut dire fêter la Nativité sur le mode luthérien, avec cette soirée allemande à l’Oratoire du Louvre, un lieu chargé d’Histoire, d’abord catholique puis dédié au culte protestant. La soirée s’articule en quatre périodes : Avent, Annonciation, Nativité et Adoration.

Das alte Jahr vergangen ist de Samuel Scheidt (1587-1654) ouvre le temps de réflexion qu’est l’Avent ; « l’année dernière s’est écoulée » remet sur la table, d’une certaine manière, l’ancien débat de l’année liturgique – doit-elle commencer avec la naissance de Jésus ou avec la Crucifixion ?... La douceur de l’interprétation invite à une méditation lumineuse et grave, à peine gênée par l’acoustique un peu trop généreuse du temple qui déjoue la bonne perception de certaines entrées vocales. Après un court « pont » à l’orgue survient Sei, lieber Tag, wilkommen!, motet enjoué d’un cousin aîné du cantor de Leipzig, Johann Michael Bach (1648-1694). Nous retrouvons la facture exceptionnelle d’Heinrich Schütz (1585-1672), à la vocalité tellement riche, dans Meine Seele erhebt den Herren son Deutsches Magnificat de 1643, pur moment d’élévation. L’ornementation en écho du cantique Nun komm der Heiden Heiland de Johann Hermann Schein (1586-1630) séduit l’auditoire. Retour à Schütz avec son choral O lieber Herre Gott de 1648, d’une profondeur saisissante, puis au serein double-chœur « n’ayez pas peur, je vous annonce une bonne nouvelle », Fürchtet euch nicht du même Bach. Après une introduction délicate à l’orgue, nous entendons Vom Himmel hoch de Schein, puis le ferme Wie schön leuchtet der Morgenstern de Michael Praetorius (1571-1621), extrait des Polyhymnia Caduceatrix et Panegyrica de 1619, son étoile du matin fermant avec bonheur l’Annonciation.

De retour d’un très bref entracte, c’est le motet Puer natus in Bethlehem de Scheidt (en latin) qui accueille la venue de l’Enfant, dans une succession de phrases nues avec répons de chœur. Toujours en latin, Hodie Christus natus est de Schütz, à sept voix, avec son développement presque bucolique et ses Alléluia à saute-mouton, ses Gloria, ses plus grandes proportions. Retour à la langue allemande, avec deux pages de Scheidt : le dansant et copieux Jauchzet Gott alle Land et Ein Kind ist uns geboren, canon plus posé, dont la partie la plus nuancée accuse une légère fatigue des voix. Une fois bien emmailloté le petit Jésus dans sa crèche, reste à Marie, à Joseph, aux rois mages et même à l’âne et au bœuf de lui rendre grâce. La dernière partie de ce concert est dédiée à l’Adoration, à commencer par une incursion dans une production plus tardive mais encore complètement ancrée dans cette même esthétique héritée de la Renaissance italienne madrigaliste, s’agissant du brillant motet Singet dem Herrn ein neues Lied de Johann Pachelbel (1653-1706).

Trois pièces de Praetorius reconcentrent ce Noël dans une louange plus profonde. À l’insistant Angelus ad pastores ait succède l’In dulci Jubilo de 1607, ici remarquablement chanté, puis le mystérieux Gelobet seist du, Jesu Christ avec lequel quitter définitivement l’idiome romain. Il revient à Scheidt de conclure, avec le plaintif Ach, mein herzliebes Jesulein et enfin O Jesulein süß, o Jesulein mild, choral d’une simplicité bénie. Bravo à Lionel Meunier et à Vox Luminis, un ensemble belge qui fête ses dix ans d’existence et dont il faut saluer au passage la fort belle discographie.

HK