Chroniques

par gilles charlassier

week-end de musique de chambre française
Éric Le Sage et Quatuor Ebène

Salle Pleyel, Paris
- 17 octobre 2010
timbre ancien à l'effigie du compositeur Gabriel Fauré
© dr

La Salle Pleyel organisait, ce week-end, trois concerts consacrés à la musique de chambre française de la fin du dix-neuvième siècle et du début du siècle passé, emmenés par le pianiste français Eric Le sage et le Quatuor Ebène. Pour le dernier concert de la série, les trompettes de la renommée ont réuni un public exigeant qui a vérifié entre chaque mouvement les vertus convenablement expectorantes de la salle de la rue du Faubourg Saint Honoré.

On commence avec la Sonate pour violon et piano en la majeur Op.13 n°1 de Gabriel Fauré où les traits chromatiques s’expriment avec une élégance déjà idiomatique de l’univers du compositeur. Le toucher délicat d’Eric Le Sage favorise une certaine transparence et répond au lyrisme pudique de Daishin Kashimoto. La lisibilité des textures éclaire le Scherzo d’une sérénité qui retient son impétuosité circonstanciée. On retrouve cette placidité un rien distanciée dans le finale.

C’est ensuite au tour du Quatuor Ebène de montrer sa parfaite maîtrise du raffinement des harmonies mystérieuses et colorées du Quatuor à cordes en fa majeur de Maurice Ravel. Le dialogue des modalités est contenu par les instrumentistes français. Il n’y a aucun excès dans la finesse des tempi chaloupés et des pizzicati du second mouvement, Assez vif, très rythmé. Les accents élégiaques du troisième, Très lent, évitent tout pathos, conformément à l’esthétique ravélienne. Le sentiment de cohésion, où les réponses passent presque imperceptiblement d’un pupitre à l’autre, suscitent l’enthousiasme d’un public acquis à la beauté diaphane des symétries formelles de l’art nouveau.

Le Quatuor pour piano et cordes en sol mineur Op.45 n°2 de Fauré termine le concert sur des contrastes plus dramatiques. Eric Le Sage donne la réplique au trio de cordes qui réunit Dalshin Kashimoto au violon, Lise Berthaud à l’alto et François Salque au violoncelle. L’œuvre, qui date de 1887, témoigne de l’évolution stylistique du compositeur depuis sa sonate jouée en première partie. Le langage ne refuse pas le chromatisme hérité de César Franck et l’enrichit d’une sensibilité harmonique et mélodique qui seront la marque de Fauré, et cela s’entend dès le thème tourmenté qui ouvre l’Allegro molto moderato. La partition met en valeur le bel alto de Lise Berthaud et une expressivité originale qui conclut un cycle sur une apogée du sentiment.

GC