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Chroniques
week-end Xenakis – épisode 5
Isabelle Faust, Les Siècles, François-Xavier Roth
Le Week-end Iannis Xenakis [lire nos chroniques des épisodes 1, 2, 3 et 4] se referme avec un cinquième et dernier épisode confié à l’orchestre Les Siècles, placé sous la baguette de son directeur musical, François-Xavier Roth. Ce moment est ouvert par Alax, pièce qui participe bien des ambitions spatiales et scénographiques dont témoigne le compositeur grec dans son écriture. D’une vingtaine de minutes, cet opus créé en 1985 à Cologne déploie des contrastes entre masses deglissandos, larges épisodes de fanfare et interludes aux confins du silence. Dans la grande salle de la Philharmonie, cette mise en espace d’effets sonores avec trois ensembles instrumentaux identiques – le concept ne peut manquer de rappeler les expérimentations de Gruppen de Karlheinz Stockhausen (1957) – est calibrée par le chef français, attentif à une articulation des couleurs et des textures qui prend parfois l’allure d’un rituel.
Aux explorations d’architecture musicale de Xenakis répond la virtuosité formelle, tant dans la souplesse harmonique que dans la construction du discours, du Concerto pour violon et orchestre en ré majeur d’Igor Stravinski, sur lequel plane l’ombre de Bach, jusque dans le nom des quatre mouvements qui évoquent la suite baroque – Toccata, Aria I, Aria II et Capriccio. L’archet félin et lumineux d’Isabelle Faust [lire nos chroniques du 19 janvier et du 23 juillet 2005, du 14 novembre 2009, du 21 octobre 2011, du 19 mai 2016, du 7 décembre 2017 et du 11 septembre 2019] met en avant les jeux savoureux avec le contrepoint, magnifiés sans doute par la lutherie d’époque – l’opus a été porté sur les fonts baptismaux par Samuel Dushkin en 1931. L’intelligibilité des lignes et le sens des accents s’appuient sur une élégance qui n’oublie jamais le sourire de la réinvention de l’histoire de la musique à laquelle Stravinski s’est adonné, sans exclusive, pendant sa période dite néoclassique, qui se révèle sans doute un trait essentiel de son inspiration.
Cela n’échappe pas à François-Xavier Roth dans son accompagnement sensible de la soliste allemande, comme dans son approche de la version de 1945 de la suite que Stravinski a tirée de son ballet L’oiseau de feu – la troisième, après les adaptations de 1910 et 1919, et qui reprend la quasi-intégralité de la pièce chorégraphique. Si le langage porte l’empreinte du maître Rimski-Korsakov, la caractérisation marquée des épisodes, qui vaut tous les résumés d’avant-programme, témoigne d’un pinceau musical qui renouvelle l’expressivité post-romantique avec une originalité et une vitalité que ne manquent pas de faire chatoyer les pupitres des Siècles, sans la patine standardisée des orchestres d’aujourd’hui. Les contrastes entre la tendresse scintillante et la rudesse de certaines danses, telle celle de Kastcheï, façonnent une narration portée avec enthousiasme jusqu’à la transfiguration finale. Assurément, Roth maîtrise la transsubstantiation des notes.
GC