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Chroniques
Werther
opéra de Jules Massenet
Contrairement aux précédentes soirées vécues cette année au festival britannique Grange Park Opera, on ne sort pas de cette représentation transporté par la mise en scène [lire nos chroniques de Tosca et de Tristan und Isolde]. Sous la lumière de Tim Mitchell, qui n’est pas à mettre en cause, la production de John Doyle peine beaucoup à convaincre. Dans un décor stylisé plutôt pauvret, où les arbres voyagent un peu, dont deux bancs de jardin et des chaises perdues ne font que souligner la nudité vide, les personnages échangent « des propos fades sous les ramures chanteuses »… L’artificialité des éléments végétaux, dans un lieu qui offre pourtant une nature vraie tout autour, accuse une dimension vieillotte, enchérie par les costumes de Gabrielle Dalton, qui ne raconte pas grand-chose. Sans véritable direction d’acteurs, ce Werther repose sur le métier des chanteurs-acteurs, sur leur inspiration du moment.
Il revient donc à la musique de tout faire.
À la tête du Gascoigne Orchestra, Christopher Hopkins tire le meilleur de chaque pupitre et sert avec passion l’œuvre de Jules Massenet dont on redécouvre les bons côtés. Avec une belle énergie, le chef dynamise le drame, tout en signant les moments les plus sensibles avec une intensité déterminante. Il soutient solidement les chanteurs, tout en peignant avec habileté le paysage émotionnel là où dispositif scénique et mise en scène s’avèrent impuissants à le faire.
La distribution vocale donne également pleine satisfaction.
Avec deux voix nord-américaines d’origine italienne, très engagées dans leurs incarnations, le lyrisme fleuri de l’ouvrage est à la fête. D’abord discrète, la passion de Charlotte se déploie toujours plus dans le chant magnifiquement investi du mezzo-soprano Ginger Costa-Jackson, jusqu’au flamboiement de la scène de la lettre. La souplesse de la ligne vocale est une bénédiction. Romantique à souhait, la prestation de Leonardo Capalbo, doté d’un ténor admirable de lumière et de ferveur, emporte l’adhésion et rend extrêmement attachant le rôle-titre [lire nos chroniques de Gloriana, Don Carlo et La Wally]. La force du personnage n’a d’égale que la précision et la conviction du chant, toujours vaillant, porteur d’une grande émotion – Pourquoi me réveiller est une pure merveille. Le timbre pétillant du soprano portugais Iria Perestrelo prête à Sophie toute la fraîcheur qu’on attend du rôle dont l’artiste cisèle aussi bien la bonne humeur par le chant que par le jeu. On retrouve le jeune Dominic Sedgwick en Albert solidement campé par une émission sans heurt [lire notre chronique de Tristan und Isolde à Aix-en-Provence]. Quant à la basse sonore d’Alan Ewing, la partie du Bailli lui va comme un gant [lire notre critique du Roi Roger]. Robin Horgan honore le brève apparition de Schmidt, de même que Ross Cumming en Johann.
HK