Chroniques

par françois cavaillès

Wilson Hermanto joue les compositeurs d’Hollywood
Liza Kerob, Orchestre Symphonique de l’Opéra de Toulon

Opéra de Toulon
- 12 mai 2017
le chef américano-indonésien Wilson Hermanto joue Hollywood à Toulon
© kaupo kikkas

Comme approche l'ouverture du soixante-dixième Festival de Cannes, à l'Opéra de Toulon la musique de film tendance hollywoodienne fait salle pleine. Soirée mémorable pour cinéphiles et cinévores mélomanes, dans l'ordre chronologique des événements...

En première partie de programme, d'abord le bon vieuxtemps, ou le fameux âge d'or d’Hollywood, quand les grands studios emploient de larges équipes créatrices incluant de brillants artistes venus de l'Europe si troublée le cœur étoilé. Pour nous initier, éclate le bref mais célèbre générique de la 20th Century Fox, écrit par Alfred Newman (1901-1970), que lance une batterie piquante comme la rouille varoise (avec frites). Puis la température monte déjà, avec le prélude passionné du péplum de référence, Ben Hur, signé par l'illustre Miklós Rózsa (1907-1995). Une première vision épique et merveilleuse nous gagne sous l'effet du thème gangétique, puissant et ondulant, et des cordes envoûtantes, des percussions variées. L'Orchestre Symphonique de l'Opéra de Toulon (car c'était lui) donne l'élan aventurier et atteint le sublime du genre dès le thème suivant, amoureux, pompeux, faisant dégringoler les images et les alignant dans les regards. Certes, quelques photos extraites du film multi-oscarisé en 1959 apparaissent en fond de scène, mais l'imaginaire du spectateur est touché par l'excellent travail parfaitement rythmé de Rózsa, clarté musicale, tension, gravité (écloses ensuite dans Mother's Love, au précieux hautbois). D'idéales trompettes nous emmènent dans un colossal temple fascinant, via l'extraordinaire marche héroïque utilisée par le réalisateur William Wyler pour la terrible course de chars.

Pour sommet se donne ensuite le très estimé Vertigo (1958) d'Alfred Hitchcock, mis en musique par Bernard Herrmann (1911-1975). Passé le rude défi orchestral du prélude, violons et percussions légères (castagnettes et tambourins) jouent de la folie et de l'angoisse haletante propres à la scène du cauchemar qui, ce soir, se conclut par un coup de poignard bien senti. Le génie d’Herrmann alors libéré fait entendre une voix pour un mensonge doux et secret, dans une ambiance magique, triste et vitale, un étouffant malaise. La magnifique structure de cette scène d'amour, toute dans l'aigu, est révélée par la direction attentive de Wilson Hermanto. Orchestration originale, nervosité, mélodrame... et quelle animation dans cette musique !

Afin de saluer le cinéma français, la suite de concert de Cyrano de Bergerac (1990) par Jean-Claude Petit apporte une belle force d'évocation. Du grand succès de Jean-Paul Rappeneau, le public semble retrouver la mémoire, en promenade à travers la guerre, l'amour, quelques cascades... Dans un semblant de simplicité (en comparaison avec les œuvres maîtresses précédentes), le soin et la vaillance de l'orchestre rappellent comment le cinéma se nourrit du temps.

Dédiée à l’Hollywood moderne, la seconde partie de soirée se couronnede succès populaires culminant dans les ovations réservées à l'hommage final à John Williams, pour ses quatre-vingt-cinq ans. Des thèmes rebattus, sportifs et linéaires : Star Wars (La guerre des étoiles, 1977) et Raidersof the Lost Ark (Les aventuriers de l’Arche perdue, 1981). Davantage de guimauve pour Jurassic Park (1993) et l'air d'un franc tire-larmes pour Schindler's List (La liste de Schindler, 1993), avec la violoniste Liza Kerob, assurée et généreuse, en invitée pour trois extraits. Le clin d'œil à Erich Wolfgang Korngold (1897-1947) pour son travail sur Kings Row (Crimes sans châtiment, 1942) sert surtout d'exemple des influences de John Williams pour Star Wars – dommage pour The Adventures of Robin Hood, The Sea Hawk ou Captain Blood. De même, l'apport du grand et prolifique Ennio Morricone se borne-t-elle à deux thèmes sirupeux de CinemaParadiso (1989).

Mais aux deux bis, dans le même sillon efficace, voire utilitaire,de John Williams (Star Wars et Schindler's List), le chef américano-indonésien excite la foule dans un français surprenant et savoureux, pour parvenir à une touchante symbiose. Joli dernier cadeau, dans l'esprit bon enfant cher au Nouvel Hollywood.

FC