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Chroniques
Xerse | Xerxès
dramma per musica de Francesco Cavalli
C’est une nouveauté au Festival della Valle d’Itria : en plein centre-ville, le petit Teatro Verdi, situé à deux pas du Palazzo Ducale, ouvre au public pour une représentation d’opéra. Ses dimensions modestes se prêtent idéalement au répertoire baroque, à la condition d’un effectif réduit à moins d’une dizaine de musiciens pour tenir, au chausse-pied, dans l’étroite fosse. C’est le cas, ce soir, avec Modo Antiquo, orchestre baroque placé sous la direction de Federico Maria Sardelli [lire nos chroniques du 12 octobre 2003 et du 4 juillet 2009, ainsi que notre critique du CD Atenaide], qui produit d’emblée un son d’école monteverdienne. La redécouverte des œuvres de Francesco Cavalli se poursuit sur plusieurs scènes, ces dernières années, et le festival y participe lors de cette édition en proposant Xerse dans sa nouvelle édition critique.
Avoir déjà vu Serse de Händel aide à suivre l’argument, passablement compliqué. Ayant délaissé sa promise Amastre, Xerse est amoureux, tout comme son frère Arsamene, de Romilda. Celle-ci partage l’amour d’Arsamene, mais sa sœur Adelanta en pince pour le même homme. Après moult confrontations, rencontres, revirements et interventions d’autres personnages, la conclusion prête à sourire : Xerse se déclare d’abord inconsolable en perdant l’être aimée, Romilda, mais son chagrin est de courte durée quand il choisit de s’unir avec Amastre et consent à laisser s’épanouir le couple Arsamene/Romilda. Seule Adelanta, la méchante de l’histoire, est laissée seule dans la tristesse.
Natif de Martina Franca, Leo Muscato [lire nos chroniques de L’incoronazione di Dario, Agnese et I due Foscari] réalise une mise en scène vivante et colorée dans la scénographie aux images orientales d’Andrea Belli, avec portes au niveau du plateau et moucharabiehs à l’étage. Déroulant une majorité de récitatifs secs, les scènes sont extrêmement nombreuses dans l’ouvrage, donnant parfois l’impression d’un zapping permanent, sans que l’esprit puisse se fixer un instant durable sur une situation. De rares airs viennent heureusement ponctuer cette succession, donnant aussi l’occasion aux protagonistes d’exprimer plus posément leurs sentiments. On n’échappe pas aux mitraillettes en bandoulière tenues par les soldates, mais le point le plus critiquable de la production est l’utilisation, malheureusement jusqu’à une rapide saturation, des claquements de mains qui paralysent les personnages et suspendent l’action pendant un bref instant. Si l’idée est originale, théâtralement juste et souvent très drôle, on bascule vite dans le trop-plein pour l’emploi du procédé.
La pièce commence presque immédiatement par Ombra mai fu, rendu célèbre par la version händélienne et chantée ce soir sur une mélodie tout aussi élégiaque par le magnifique contre-ténor Carlo Vistoli, distribué en Xerse [lire nos chroniques du 9 juillet 2017 et du 8 septembre 2020]. C’est à un palmier peint sur une toile, plutôt qu’au platane du livret, qu’est faite la déclaration quasiment amoureuse du roi de Perse. Dans le rôle travesti du frère Arsamene, le mezzo Gaia Petrone s’exprime avec un timbre d’une belle couleur, aux graves naturels de même qualité [lire nos chroniques d’Arminio, Margherita d’Anjou, Ermione et Le nozze in villa].
Après un rapide réglage d’intonation en début de représentation, le soprano Carolina Lippo (Romilda) négocie avec panache le chant d’agilité et les sollicitations dans son registre très aigu. Adelanta est distribuée à Dioklea Hoxha qui développe davantage d’agressivité, de fureur, pour caractériser la figure de l’intrigante. Ekaterina Protsenko fait entendre une voix fraîche et agile en Amastre, dont l’air d’entrée, joyeux et dansant, contraste curieusement avec sa situation de femme délaissée.
D’autres rôles complètent les principaux, comme l’Elviro d’Aco Bišcevic dont les quelques sons fixes accentuent la caricature. Si Carlo Allemano (Ariodate) impressionne à l’entame par un chant ample et autoritaire, les aigus deviennent rapidement difficiles et problématiques, tandis que Nicolò Donini (Aristone) et Nicolò Balducci (Periarco) complètent avantageusement la distribution. Un ange passe de temps à autre sur scène – Mario Fumarola en Cupido –, amenant un supplément de poésie à la représentation, comme lorsqu’il tient dans ses mains une boule à facettes.
IF