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Chroniques
Yu Horiuchi et Richard Hyung-Ki-Joo
dans l’intimité de Brahms
Saviez-vous que Brahms, avant d’écrire le Quintette en fa mineur avec piano Op.34, le destina d’abord à un quintette à cordes, puis, mécontent des mariages de timbres, à un duo de pianos ? Ce n’est que sur les conseils éclairés du chef d’orchestre Hermann Levi et de son amie Clara Schumann qu’il le réécrit dans la majestueuse version sous laquelle on le connaît aujourd’hui.
Cela peut certes apparaître comme un petit détail historique, mais ça n’a en réalité rien d’anodin si l’on fait l’analyse de la partition, et on ne peut que remercier l’Académie-festival des Arcs de nous le faire découvrir – c’est, avouons le, l’une des grandes qualités des festivals dirigés par des musiciens que de nous dévoiler ces petits trésors cachés de la musique. Aux Arcs, on pourra d’ailleurs entendre, à quelques jours d’intervalle dans le cadre d’une intégrale de la musique de chambre de Brahms, la version pour deux pianos et la version finale pour quintette avec piano.
Bien sûr, la proximité des deux œuvres invite immanquablement la comparaison. À deux pianos, l’œuvre est indéniablement plus légère d’aspect. Plus claire dans sa structure et plus aérienne dans ses mélodies, elle permet également d’apprécier certains contrepoints qui sont d’habitude noyés dans le lyrisme du quatuor à cordes. Interprétée ce soir par Richard Hyung-Ki-Joo et sa compagne Yu Horiuchi, cette Sonate en fa mineur à deux pianos Op.34b frappe par l’équilibre sonore qu’elle instaure ainsi que par l’homogénéité des timbres et la délicatesse des nuances. Si la forme Lied du mouvement lent, dans lequel le second piano se contente d’un rôle de commentaire, leur donne du fil à retordre, notamment pour en soutenir le lyrisme véhément, le Scherzo est en revanche un grand bonheur. Quant au Final, après une introduction dépaysante, il s’avère au contraire beaucoup plus monotone que dans la version pour quintette.
Plus tard dans la soirée, c’est une version alternative d’une autre œuvre maîtresse de Brahms qu’on a l’occasion d’entendre : le Sextuor en si bémol majeur Op.18, une contrebasse tenant la partie de second violoncelle. Si certaines variations du mouvement lent y gagnent en beauté, le résultat général est décevant. L’équilibre sonore de l’ensemble se déplace, amollit articulations et phrasés, tandis que le sextuor, au lieu de vrombir de plaisir grâce à l’association des deux violoncelles, ne fait que gronder dans le lointain, perdant du même coup un partie de son pouvoir de fascination.
JS