Chroniques

par irma foletti

Zylan ne chantera plus
opéra de Diana Soh

Opéra national de Lyon / Théâtre du Point du Jour
- 6 novembre 2021
"Zylan ne chantera plus", un opéra de Diana Soh qui dénonce l'homophobie
© jean-louis fernandez

L’Opéra national de Lyon sort de ses murs pour créer Zylan ne chantera plus au Théâtre du Point du Jour, situé sur les hauteurs de la ville, côté ouest. Il s’agit d’un drame contemporain d’une durée d’une heure environ, composé par Diana Soh [lire nos chroniques d’Out at S.E.A et de Modicum] pour un chanteur et trois instruments : Maarten Stragier à la guitare électrique, Loris Sikora au violoncelle et Yi-Ping Yang aux percussions. Le livret de Yann Verburgh illustre les ravages de l’homophobie. Malgré son statut de pop star, Zylan est arrêté, emprisonné, interrogé, torturé, finalement assassiné. On a froid dans le dos quand on pense que l’argument est tiré d’une histoire réelle, vraisemblablement survenue dans un pays européen, pas très loin du nôtre.

La scénographie de Stephan Zimmerli place une cellule de prison au centre du plateau, ouverte à l’avant mais tendue de câbles sur les parois latérales, tandis que les trois musiciens sont placés à l’arrière, sur un praticable en hauteur que desservent deux escaliers, de part et d’autre. La représentation démarre par une chanson de Zylan, interprétée par le ténor Benoît Rameau en anglais et français, les costumes de Mathieu Trappler présentant la pop star en blouson argenté et lunettes noires. Soudain les percussions battent comme des coups de feu. Le chanteur se retrouve allongé à terre. Le cauchemar commence.

Le metteur en scène Richard Brunel, par ailleurs directeur de l’Opéra national de Lyon, donne à voir le calvaire de Zylan dans un pays qu’on imagine totalitaire et où l’homosexualité serait considérée comme un crime. Le prisonnier rêve – le mot RÊVE est peint sur une paroi – de ses relations amoureuses avec Ely, de sa mère, de sa sœur, la musique évoquant alors des atmosphères plutôt sereines. La trame sonore devient plus menaçante ensuite, avec un inquiétant violoncelle associé à des bruits de micro qui crachouille pour raconter l’enlèvement de Zylan par des hommes arrivés en voiture. Le volume augmente de plus en plus dans la remémoration de l’interrogatoire, avec le soliste lui-même qui pose violemment ses questions au blouson argenté posé sur le dossier de la chaise, d’une voix modifiée au micro, pouvant faire songer à Dark Vador. La schizophrénie rode également lorsque se présente le personnage de la mère, identifiable par une robe de chambre à fleurs. C’est d’abord en voix de tête qu’elle parle par la bouche de Zylan, sur fond de musique planante, mais plus tard le timbre se fait masculin et grave. L’agressivité des sons et la violence des images sont maintenues à un niveau tel que le public n’y échappe pas.

Assistante à la mise en scène, Valérie Marinese-Barboza joue le plus souvent le rôle d’une cruelle matonne, tandis que les trois musiciens portent casquettes et combinaisons grises de milieu carcéral. La torture psychologique et physique de Zylan nous fait souffrir, par exemple quand on lui verse quelques gouttes d’un liquide vert qu’on imagine puissant poison ou acide. Les musiciens descendent autour de la cellule pour la partie finale, avec un trait plus soutenu pour la percussionniste : lâcher d’une plaque de métal, coups et frottements de maillets et baguettes sur les câbles de la prison, sur le sol, sur la plaque. Le mot RÊVE est modifié en CRÈVE PD par les tortionnaires. La musique se fait assourdissante avant un Tuez-moi, je préfère mourir chanté doucement, avec les accents les plus lyriques de l’œuvre, accompagnés par de petits accords et arpèges à la guitare. Après la reprise de la chanson pop du début, un coup de feu abrège les souffrances du supplicié. Les lumières se rallument et une chanson post-mortem rappelle cette sombre histoire – « Il était une fois un garçon (…) il chantait (…)On ne reverra jamais Zylan en vie, il ne chantera plus ».

Il est à noter que cette production, réduite par les moyens mis en jeu mais très dense et d’un fort impact émotionnel, est destinée à tous les publics, dès l'adolescence, et peut facilement être accueillie dans différents lieux de représentation. Elle sera justement présentée dans le cadre de la saison Nomades du Théâtre du Point du Jour, dans différents quartiers de Lyon, de la Métropole et des communes de la Région Auvergne-Rhône-Alpes.

IF