Chroniques

par laurent bergnach

Éclat – Sur incises
portraits de Pierre Boulez

1 DVD Idéale Audience International (2005)
Juxtapositions 6
des images de répétition autour de l'œuvre de Pierre Boulez

« J'avais envie depuis longtemps d'écrire pour les instruments résonnants. Une envie que je ne cherche pas à expliquer, sinon par la prédilection que je porte à ces timbres, une envie qui était restée un peu vague, jusqu'au jour où j'ai décidé d'étudier ce matériau. »

Dans un des nombreux entretiens accordés à Claude Samuel, Pierre Boulez revenait sur la première version d'une œuvre créée il y a plus de trente ans, le 26 mars 1965, à l'Université de Californie Los Angeles. Ici, le compositeur rappelle que ce sont les musiques de Bali, du Japon et d'Afrique qui ont été déterminantes dans cette prédilection, que les sonorités venues de l'étranger l'ont « guéri de la musique occidentale ».

Une fois de plus, Boulez s'avère un pédagogue attentif et plein d'humour. Ce documentaire de 1994 le présente en répétition avec le pianiste John Snijders, mais surtout en compagnie d'Ed Spanjaard, chef du Nieuw Ensemble d'Amsterdam venu analyser avec lui des passages de la partition. D'abord attentif à la disposition des quinze interprètes – pour qu'ils ne se gênent pas mutuellement -, le compositeur revient sur la structure de l'œuvre construite en cycles, mais surtout sur sa façon de la diriger, comme ces petites surprises qu'il réserve à certains instrumentistes pour en obtenir un son brutal. De même que le Français est sensible à la relation vivante entre chef et musiciens, Spanjaard s'étonne du caractère moderne d'Éclat, de la liberté qu'elle laisse au chef, lui donnant l'impression d'en être l'auteur.

Si Boulez parle de musique – le geste, le tempo, la tradition, etc. –, on connaît son intérêt pour les arts en général ; on ne s'étonnera pas d'exemples empruntés à l'architecture et à la botanique, à Proust ou à Klee. Et puisque le compositeur a vanté de nombreuses fois la vivacité du poisson qui tourne à l'équerre dans un aquarium, Frank Scheffer cède encore à son péché mignon : insérer des plans de vaguelettes scintillantes entre des moments de répétition…

Plus sobre sera le documentaire d'Andy Sommer pour l'atelier-concert Sur Incises, au cours duquel le musicien rappelle comment, à une pièce de piano virtuose commandée pour un concours, il a souhaité donné plus d'ampleur. Portion par portion, il analyse pour le public les développements, les transitions, les décalages de l'œuvre, n'hésitant pas à ralentir les tempi pour une plus grande compréhension. Si on a prêté beaucoup de pouvoir(s) au protéiforme Boulez, celui du partage n'est pas le moindre.

LB