Chroniques

par laurent bergnach

Édith Canat de Chizy
œuvres variées

1 CD Merci pour les sons (2019)
MPLS 18001
Cette monographie Canat de Chizy (née en 1950) réunit quatre œuvres variées

Indépendante de nature, Édith Canat de Chizy (née en 1950) suit son chemin en solitaire depuis bientôt quatre décennies – si l’on se réfère au Sextuor (1982), première œuvre inscrite à son catalogue –, sans jamais appartenir à une école. C’est donc avec une certaine liberté qu’elle accueille l’expérience sensorielle comme source de son art, ainsi qu’en témoignent les quatre opus de cette monographie. On y remarque une place laissée au timbre par le biais duquel, confie-t-elle,« je peux suggérer un autre univers sonore et engager une vision exploratoire. En ce sens, elle rejoint l’idée de dépassement qui m’anime, ce désir sans cesse réactivé d’aller vers l’impalpable » (in La loi de l’imaginaire, Aedam Musicae, 2021) [lire notre critique de l’ouvrage].

La pièce la plus ancienne est Tlaloc (Paris, 1984). Son nom se réfère à un dieu aztèque de l’eau, et plus particulièrement de la pluie, dont dépend la fertilité des cultures. Nombreux sont les compositeurs à avoir associé l’élément liquide à la percussion (Adámek, López López, Takemitsu, etc.), allant jusqu’à l’inviter sur scène [lire notre chronique du 12 janvier 2013]. L’ancienne élève d’Ohana s’inspire sans transcrire, « et c’est justement de cette distanciation qu’une telle musique tire sa force poétique » – conclut Pierre Rigaudière, dans la notice du CD. Le solo mené par Florent Jodelet alterne les moments calmes, feutrés, et d’autres plus saillants.

En janvier 2017, dans la revue Symphonia, la créatrice se présentait comme taillant la matière sonore, tel un sculpteur un bloc de pierre. C’est à l’un d’eux, Antoine Bourdelle (1861-1929), que rend hommage Dance (Sarcelles, 2006), en référence à un bas-relief réunissant deux artistes mythiques : Isadora Duncan et Vaslav Nijinski. Violoniste de formation, Canat de Chizy invite son instrument-fétiche au dialogue avec un vibraphone, sans toutefois le favoriser. La virevolte, assez fraîche, gagne à être confiée à Alexandra Greffin-Klein.

La percussion est le fil rouge de cet album. Dans Trance (Arc-et-Senans, 2009), on lui associe un cymbalum et un clavecin percussif, « sombre, obsédant, tel que je l’aime » (in La loi de l’imaginaire). Cyril Dupuy et Maude Gratton voisinent Florent Jodelet, lequel livre également le concerto Seascape (2016), entouré de l’Orchestre de Caen dirigé par Vahan Mardirossian – l’enregistrement est celui de la création au festival Aspects des musiques d’aujourd’hui. Celle qui possède désormais une maison au bord de l’océan explique : « je trouve dans l’élément marin une correspondance avec la musique que j’écris, en termes d’instabilité, de mouvance, de ressac et de miroitement. Mais on reste sur le plan de la métaphore et non de l’illustratif » (ibid.). À moins de préférer la montagne, laissez-vous embarquer !

LB