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Chroniques
Alain Cophignon
Georges Enesco
La situation de Georges Enesco (1881-1955) lui confère une singulière universalité. À ses racines roumaines (musique folklorique et liturgique), s'ajoutent les études de l'enfant prodige à Vienne et Paris qui le placent au cœur de l'Europe musicale. La liste des personnalités qui ont traversé sa vie – jalonnée par ses concerts à Paris ou à Bucarest, ses masters-classes et ses voyages à travers le monde – constitue une sorte de Bottin artistique.
La prolixité de ses dons est surprenante. Violoniste, sa célébrité de virtuose l'amène à devenir le maître de Menuhin. Pianiste, Cortot jalouse sa technique de jeu et Lipatti le considère comme son père spirituel. Chef d'orchestre, il est l'un des successeurs possibles de Toscanini à New York… D'un puissant charisme et d'une stupéfiante mémoire, il incarne le musicien complet, « le plus étonnant génie musical depuis Mozart », comme l'a affirmé Pablo Casals.
Mais c'est avant tout à l'un des plus grands compositeurs du XXe siècle, encore à découvrir, que rend hommage cette première monographie consacrée à Georges Enesco en langue française, s'appuyant sur des inédits recueillis tant en France qu'en Roumanie. D'une activité créatrice étendue sur près de soixante-dix ans, on retient d'authentiques chefs-d'œuvre pour piano et de musique de chambre, symphonique ou vocale qui témoignent d'un lyrisme ardent. Son opéra Œdipe délivre un message d'humanisme et de profonde spiritualité face au destin.
Au-delà d'un « romantisme national » de jeunesse, son langage musical de maturité, salué par György Ligeti, est empreint d'une souveraine liberté et d'une modernité exigeante bien que discrète. Après avoir vécu les deux premières guerres mondiales dans son pays (où il a beaucoup contribué à développer la vie musicale), affaibli par sa santé précaire et de sérieuses difficultés matérielles, il a néanmoins en 1946 « choisi » l'exil en France.