Chroniques

par laurent bergnach

Alain Galliari
Richard Wagner ou le Salut corrompu

Le Passeur (2013) 156 pages
ISBN 978-2-36890-040-6
Alain Galliari fait paraître Richard Wagner ou le Salut corrompu

Directeur de la Médiathèque musicale Mahler (Paris), le musicologue Alain Galliari s’est aussi fait connaître par des livres sur la Seconde École de Vienne – une biographie de Webern (2007) [lire notre critique de l’ouvrage] ainsi qu’une analyse de l’ultime opus de Berg (2013) [lire notre critique de l’ouvrage]. Remontant le temps, il a aussi publié sur Liszt (2011) [lire notre critique de l’ouvrage] au gendre duquel il s’attache aujourd’hui, sans avoir pourtant de goût particulier pour l’homme et pour sa musique. Honnête dès l’avant-propos, il écrit :

« malgré l’immense génie artistique de Wagner, sa musique me harasse. Son univers dramatique m’intéresse moins encore. Le bricolage mythico-dramatique qui y fait fond me paraît non seulement obscur et imbuvable ; il a surtout le grand désavantage de m’enfoncer dans un ennui sans fin ».

À cette affliction se mêle l’agacement de rencontrer, au fil d’œuvres au scénario parfois « compliqué et embrouillé », un double mouvement contradictoire : « une aspiration religieuse permanente, mêlée à un refus qui lui oppose une résistance non moindre ». En clair, Alain Galliari voit l’œuvre subtile du Mal derrière la motivation des héros wagnériens, lesquels sont habités par la promesse de rédemption qui est au cœur de la Révélation chrétienne mais s’égarent en associant le Salut à son contraire, la négation de la vie.

Délaissant la païenne Tétralogie, l’auteur met l’accent sur des points qui le tracassent dans les autres ouvrages d’un créateur anticlérical : un pape revêche entravant la pénitence de Tannhäuser (qui se débat entre amour et plaisir), l’aspiration au néant qui tenaille Tristan et Iseult, l’impossible humilité du Hollandais maudit pourtant nécessaire au Salut véritable, le pacte de silence injuste qu’impose à Elsa l’orgueilleux Lohengrin (envoyé divin de pacotille), ou encore « la douteuse origine du bricolage religieux parsifalien ».

Pas toujours tendre avec l’auteur de Rienzi, Alain Galliari réagit en homme qui voit quelqu’un s’emparer d’un domaine qu’il ne maîtrise pas – qui plus est « un petit dieu à soi-même ». Pour lui, Wagner n’a pas sciemment opté pour le Mal contre le Bien, « mais parce que c’est seul, et par lui-même, qu’il a voulu descendre au gouffre de l’Homme et, de là, à la Vérité, préférant le chemin hautain et hardi de ses propres forces, à celui qu’on prend avec les autres […] ».

LB