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Chroniques
Alban Berg
Wozzeck
Wozzeck de Berg est plutôt bien servi au DVD – cet opéra à la musique tranchante dans lequel un homme pauvre et malmené par une société brutale et médiocre, ce qui le mène au désastre, et dont Berg écrivit lui-même le livret d'après une pièce de Georg Büchner, Woyzeck. Opus Arte publie la production du Liceu par Calixto Bieito, enregistrée en janvier 2006.
Ce dernier a voulu « recréer la capacité à choquer de la pièce originale, telle que Berg l'a ressentie ». Pour le metteur en scène, il est en effet « crucial de montrer comment le venin qui émane des actions humaines et empoisonne chaque sphère de l'humanité finit par perturber et détruire ceux qui – de manière intellectuelle ou instinctive – perçoivent la dissémination cancéreuse du mal, mais sont incapables de se sauver par eux-mêmes. »
Ici, c'est un monde futuriste, hyperindustrialisé et pollué, quasiment sans espoir ni humanité qui est montré. Le décor est un assemblement de tuyaux géants (dans lesquels se noiera Wozzeck) éclairés par une lumière blafarde qui devient verdâtre à la fin. Les seuls objets traditionnels sont un cheval de bois et un piano de cabaret. Ceux qui occupent ce monde peu engageant sont totalement détraqués, les scènes du défilé, du cabaret et de la chasse montrant des êtres violents, réduits à l'état de chose, grimaçant sans arrêt et faisant des gestes incohérents, le corps atteint par la pollution qui génère des monstres. Jusqu'au produit de la chasse qui est un vers géant ! Cependant, la fin montre des hommes nus, le corps sans souillure. L'équipe de solistes et de choristes joue avec justesse cette vision noire.
Frank Hawlata, baryton chaleureux, est un Wozzeck attachant et lucide qui fait ce qu'il peut pour tenter de survivre aux mauvais traitements que son entourage lui inflige. Angela Denoke, soprano ample, incarne parfaitement Marie : à la fois aimante, perdue et durcie. L'enfant est présenté comme très malade, sans cheveux et portant un masque à oxygène, témoin de plusieurs scènes entre les autres personnages.
Hubert Delamboye rend sa voix geignarde, ce qui sied au caractère hypocrite et sentencieux du Capitaine, habillé de manière grotesque. Johann Tilli, basse sombre, joue le cynique Médecin. On nous le montre comme un amoureux passionné de la mort qui prend plaisir à accumuler les cadavres, les manipuler et les découper. Crooner vulgaire, le Tambour-major est sans scrupule, également bien joué par Reiner Goldberg. Dans le rôle d'Andres, le compagnon de Wozzeck, David Kuebler conduit bien sa voix de ténor. Au pupitre, Sebastian Weigle dirige avec énergie et concision.
SC