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Chroniques
Aldo Ciccolini
« Je suis un lirico spinto… »
Sur la couverture du livre, le visage du pianiste s'efface pour laisser place à ses mains : prônant le mystère et le retrait de l'homme au profit de l'art, Aldo Ciccolini se veut un serviteur humble (quoique renommé) de cette musique qui est – selon ses propres termes – « une prière pour une église sans dieu ». Pour la collection que dirige son ancien élève et ami Pascal Le Corre, l'interprète discret a accepté de se livrer, au travers d'entretiens qui se sont déroulés entre mai et décembre 2006, évoquant tour à tour son parcours de musicien, ses réflexions, ses valeurs, sa pédagogie, sa philosophie du piano.
Enfant solitaire, le jeune Ciccolini apprend très vite à apprécier et contrôler la qualité du son, si bien qu'il peut intégrer le conservatoire de Naples en 1934, avant même d'avoir l'âge exigé. Outre la maîtrise du clavier, il souhaite étudier l'écriture et rencontre un pédagogue généreux en la personne d'Achille Longo – lequel fera écouter à sa classe des disques rares et l'emmènera à des représentations de Wozzeck. Esprit curieux, le pianiste pratique également le violon, l'orgue, la harpe et la direction d'orchestre, décrochant une série de prix : piano (1940), composition (1942), concours Marguerite-Long (1949). Sa carrière est lancée. Il fréquente alors des musiciens – Cluytens, Cortot, Février, Desormière, Nat, Schwarzkopf, Szeryng, Thibaud – dont il énumère tout ce qu'ils lui ont apporté.
L'artiste ne comptait pas enseigner, jusqu'à ce qu'on lui en fasse l'offre en 1972. Faisant l'éloge de la patience et de la disponibilité, le professeur insiste sur ce qui lui semble important : le travail mental des partitions, le rôle du déchiffrage, la forme et le tonus de la main, le legato, etc., toute maîtrise technique qui permet d'aborder sereinement la vérité musicale.
Le Maestro peut se durcir en dénonçant le jeu standardisé de plus d'une vedette du moment, ou à l'écoute de la création actuelle, souvent « nulle et non avenue ». Cependant, adepte de l'effort et de la remise en question, ce lirico spinto ne se veut pas donneur de leçon, sachant que notre approche des choses change avec l'âge et qu'il n'y a pas qu'une seule vérité en musique.
LB