Chroniques

par laurent bergnach

Alessandro Striggio
Missa sopra Ecco sì beato giorno

1 DVD Glossa (2012)
GVD 921624
Messe à quarante voix de Striggio, par Hervé Niquet et le Concert Spirituel

Deux films complémentaires font ici revivre la figure d’Alessandro Striggio, compositeur et luthiste mantouan (dont les dates de naissance et de mort varient selon les sources : vers 1535-1590 ? vers 1536-1592 ?), et plus particulièrement sa Missa sopra Ecco sìbeato giorno, qui n’a pas été entendue depuis des lustres, après avoir résonné sous le dôme de la cathédrale Santa Maria del Fiore de Florence. À une époque qui s’essaie à la polychoralité, son originalité est de convoquer cinq chœurs de huit intervenants (avec toutes les tessitures représentées dans chaque groupe), avec un final à soixante voix !

Le premier film est un documentaire de cinquante minutes, Les aventuriers de la messe perdue, dont le titre donne d’emblée une petite idée de son contenu. Élaborée d’après un madrigal, la Missa précédemment citée fut longtemps considérée comme disparue. Or, même si l’on connaît peu la vie du compositeur italien, on sait qu’il entreprit un voyage européen au début de décembre 1567 (Vienne, Munich, Paris, Londres). La capitale française en a gardé une trace, comme le rappelle le contre-ténor et transcripteur Dominique Visse :

« En 1978, je suis allé à la Bibliothèque Nationale chercher un motet pour un projet de musique Renaissance et se trouvait juste à côté la fiche de la messe d’Alessandro Striggio à quarante voix [d’ailleurs notée « à quatre voix », de façon erronée, comme le souligne le réalisateur Laurent Portes, ndr]. À l’époque, je ne savais pas qu’elle était portée disparue. Cette œuvre incroyable devenait une véritable aventure et c’était un défi excitant d’en réaliser un concert pour quarante flûtes à bec ».

Elisabeth Geiger, Jérémie Papasergio, Philippe Canguilhem et Hervé Niquet retracent également le parcours des partitions retrouvées (à l’exception du conducteur), jusqu’à la décision de faire réentendre l’œuvre. Outre les témoignages sur la renaissance de ce « bordel divin » – comme le surnomme le chef du Concert Spirituel, aussi drôle que rigoureux lors des répétitions –, on trouve quelques rappels pédagogiques sur la contribution musicale de Guido d'Arezzo, au tournant de l’an mille, et celle des luthiers d’aujourd’hui.

Le second film nous entraîne à la Cité de l’architecture et du patrimoine, au Palais de Chaillot (Paris), en août 2011. Avec finesse et fluidité, Olivier Simonnet rend compte de la recréation de la Missa, entrecoupée de pièces d’Orazio Benevoli (1605-1672), Francesco Corteccia (1502-1571) et Claudio Monteverdi (1567-1643). La splendeur des œuvres jouées dans une acoustique valorisante, ainsi qu’une interprétation concentrée et talentueuse, font de ce concert un rendez-vous avec l’émotion.

LB