Chroniques

par laurent bergnach

Anahit Simonian
musiques pour les films de Vincent Roumagnac

1 DVD La Ventana Azul (2011)
LVA 290817
Anahit Simonian | 22 réflexions de Printemps – etc.

Après des études littéraires qui le mènent au théâtre – comme acteur et metteur en scène –, Vincent Roumagnac (né à Biarritz en 1973) aborde la photographie et la vidéo à l’École des Gobelins de Paris, spécialisée dans l’image. Au terme de dix années de recherches dans ces deux domaines qu’il cherche à mettre en résonnance, expositions, installations, performances, documentaires scéniques lui permettent de rendre visible son travail. On citera en particulier certains épisodes du projet Chambre double (2004-2007) qui mêlent comédiens, vidéo et improvisations de la compositrice arménienne Anahit Simonian.

Au printemps 2008, alors qu’il prépare pour septembre l’exposition Sakura Zensen – l'expression signifie « la ligne (éphémère) de la floraison des cerisiers » –, le vidéaste tourne au hasard de ses déplacements au Japon des séquences comme autant de choses qui adviennent. À titre amical, Anahit Simonian – exploratrice à la croisée des styles (musique contemporaine, jazz, créations sonores) et des disciplines (photo, poésie, etc.) – visionne ces rushes et propose d’en accompagner un certain nombre de miniatures pianistiques, à l’image de l’écriture minimale et codifiée du haïku.

Rappelons-le : forme poétique associée à Bashō Matsuo (1644-1694) – il réduit le traditionnel tanka qui fleurit autour de l’an mille, composé d’un tercet (dix-sept sons) et d’un distique (quatorze sons), à ces seuls premiers vers –, le haïku vise à dire l’évanescence des choses, à traduire le ressenti en combinant observation et évocation. À l’instar du tanka qui débute fréquemment par une image de la nature, le haïku doit contenir une référence à celle-ci ou un mot-clé concernant l'une des quatre saisons – un kigo.

Gardant comme fil rouge les arbres en fleurs, l’œil du réalisateur invite à des moments de durées et de formes variables – plan fixe sur une jeune fille qui dessine, travelling depuis la vitre des transports en commun, pétales filmés au ras d’un sol venteux ou sur l’eau, etc. Quand il ne témoigne pas seulement du passage du temps, un fragment s’interrompt parfois sur un « événement » – un oiseau entre dans le champ, un vélo en sort, un gamin repère l’objectif, etc.

Compositions et improvisations au piano et piano préparé se marient aux images avec une mélancolie proche de Satie et Debussy – mais aussi avec agitation (vues d’un métro aérien) et confusion inquiète (foule remontée à contre-sens) – pour former 22 réflexions de Printemps. À l’automne suivant, de nouveau au Japon, Roumagnac s’astreint à ramener vingt-deux nouvelles séquences qu’il associe aux pièces musicales initiales, donnant ainsi naissance à 22 variations d’Automne. On peut y retrouver le même endroit (n°20) ou la même irréalité (n°18).

En 2009 et 2010, la collaboration se poursuit avec 22 hasards d’Été, puis avec son miroir. La verdure nous accueille (n°1), sans accompagner sur le long terme comme le faisaient les pétales du printemps ; c’est la pluie qui s’en charge. Contrepoint à un soleil blanc, à un parapluie qui agonise dans le caniveau, on trouve des moments que la musique rend cocasse (le lancer d’un avion miniature, un manège de voitures, etc.). À mi-chemin, une cheville tatouée traverse la rue mouillée, sur un vague air de tango. Ikebana, tatami et origami rendent 22 hypothèses d’Hiver on ne peut plus japonais.

LB