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Chroniques
Antonín Reicha
quintettes à vents
Le contact d'Antonín Reicha (1770-1836) avec la musique fut-il la conséquence et la consolation d'une enfance malheureuse ? Son père meurt quand il a dix mois ; à onze ans, il s'enfuit de chez sa mère, incapable de s'occuper correctement de lui, pour trouver refuge chez son grand-père. De là, il est confié à l'éducation de son oncle Josef, violoncelliste réputé et Konzertmeister à la cour de Odettingen-Wallerstein. Durant les trois années suivantes, Reicha (forme francisée de Rejcha, qu'il adoptera en séjournant dans notre pays) apprend plusieurs instruments avant de rejoindre l'orchestre du prince électeur de Cologne à Bonn en 1785, comme violoniste et flûtiste. Il se lie alors d'amitié avec le jeune Beethoven, engagé dans la même formation comme organiste et altiste. Si ce dernier saisit l'opportunité d'étudier avec Haydn à Vienne (1792), Reicha reste au sein de l'orchestre qui finit par se dissoudre (1794), lors de l'occupation napoléonienne. Réfugié à Hambourg, il se consacre à la composition, l'enseignement et la philosophie. Soucieux d'un climat qui affecte sa santé, il s'installe à Paris (1799), mais quitte la ville deux ans plus tard, cette fois pour des raisons politiques. Et c'est encore Beethoven qu'il rejoint à Vienne.
À trente-deux ans, Reicha peut enfin recevoir les conseils d’Haydn qu'il admire tant, mais aussi de Salieri (en poste à la cour) et d'Albrechtsberger. Ardent défenseur du changement, le compositeur soutient l'idée que de vieilles formes, telle la fugue, peuvent avoir leur place dans la musique moderne, pour peu qu'on accepte certaines normes comme commencer et finir un morceau dans la même clé. Ainsi, Praktische Beispel, un recueil de 36 fugues pour piano publié en 1803, présente des exemples de rythmes, de choix de métriques et d'harmonies inhabituels. Les troupes de Napoléon arrivant sur Vienne, Reicha repart pour Paris. En parallèle des traités d'esthétique qu'il y publie, il gagne sa vie comme professeur de composition au Conservatoire. Berlioz, Franck, Gounod, Adam seront ses élèves et on peut considérer que l'école française est largement redevable au travail de ce pédagogue hors pair.
On doit à Reicha, qui excellait dans l'écriture pour les instruments à vent, vingt-cinq quintettes pour flûte, hautbois, clarinette, cor et basson – une combinaison qu'il aborde à partir de 1811. Il entretient des relations d'amitié avec quelques-uns des meilleurs virtuoses français pour lesquels il écrit : le flûtiste Joseph Guillou, le hautboïste Gustave Vogt, Louis François Dauprat le corniste, Jacques-Jules Bouffil le clarinettiste ou encore le bassoniste Antoine Nicolas Henry, professeurs au Conservatoire. Si la critique fut souvent réticente (certains lui reprochent de gaspiller ses idées !), le public parisien acclame ses créations de chambre au Théâtre Favart.
Aujourd'hui, ce sont Michael Thompson (cor français), Jonathan Snowden (flûte), Derek Wickens (hautbois), Timothy Lines (clarinette) et John Price (basson) qui portent la sobre élégance du Quintette à vent en si bémol majeur Op.88 n°5, non dénué d'espièglerie, voire d'effronterie. Malgré tout, on finit par s'ennuyer à cette œuvre qui manque de relief dans l'exécution, sinon dans la composition. Le Quintette en ut majeur Op.91 n°1, aux mouvements plus contrastés, est beaucoup plus alerte.
SM