Chroniques

par pierre-jean tribot

Anton Bruckner
Symphonie en la majeur n°6

1 CD Harmonia Mundi (2005)
HMC 901901
Anton Bruckner | Symphonie n°6

La Symphonie n°6 d’Anton Bruckner fut composée entre 1879 et 1881. Il est intéressant de noter qu'elle est la seule à ne pas avoir été retouchée par l'auteur. Ce dernier en était d'ailleurs très satisfait et la surnommaDie Keckste (la plus aboutie). Pourtant, par les contrastes sonores, les éruptions violentes et les moments d'abandon qui la traversent, cette œuvre est redoutable à unifier et nombre sont les interprètes, y compris d'éminents brucknériens, à s'être égarés dans cette pièce aussi étrange que magnifique. Sa discographie est dominée par les enregistrements aussi différents que ceux d'Otto Klemperer (EMI), de Sergiu Celibidache (EMI) et de Leonard Bernstein (NYPO live).

Cette nouvelle gravure deKent Nagano et de son Orchestre Radio-Symphonique de Berlin est à placer d'emblée dans ce trio de réussites. Il amplifie la bonne impression donnée par le concert salzbourgeois de ces mêmes musiciens peu après la captation [lire notre chronique des 5 et 6 août 2005]. Le sommet de ce disque réside dans un sublime mouvement lent, le plus beau qui nous ait été donné d'entendre, mené avec une évidence et une classe confondantes d'émotion. Le frémissement des cordes et les teintes grisées des vents servent à merveille cette clé de voûte de la production brucknérienne. Les autres épisodes sont conduits avec la même maestria : les tempi sont justes, la progression est parfaire et la dynamique superlative. Nagano sait gérer le legato pour sortir le premier mouvement de la martialité. Les deux derniers avancent avec une force et une musicalité saisissante. La prestation de la phalange berlinoise est de très haut vol, celle-ci n'ayant rien à envier aux glorieuses formations brucknériennes allemandes par la précision de sa dynamique et la richesse de ses sonorités. La superbe prise de son est un atout supplémentaire pour ce très grand disque.

Nagano quittant la direction de l'orchestre berlinois à la fin de la saison, l'on espère beaucoup que le chef poursuivra, avec les forces de son nouvel instrument munichois, l'exploration des symphonies du maître de Saint-Florian.

PJT