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Chroniques
Anton Rubinstein
œuvres pour orchestre
Pianiste virtuose dès l'enfance, ayant alors joué devant Liszt et Chopin mais aussi la Reine Victoria, Anton Rubinstein (1829-1894) deviendrait de son vivant le compositeur russe le plus joué en Europe occidentale, où il avait suivi les leçons de Siegfried Dehn (à Berlin). Fort influencé par Beethoven, Schumann et la musique allemande en général, le grand pianiste écrirait six symphonies et une quinzaine d'opéras totalement déconsidérés par les musiciens du Groupe des Cinq soucieux d'édifier un art russe qui ne devrait rien à d'autres traditions. Mais qu'est-ce qu'un art russe... celui d'un empire amoureux de l'Italie et faisant commerce des produits de ses colonies asiatiques en se pâmant dans la griserie d'un exotisme malsain ? Il y a peut-être de cela.
Un premier disque des Œuvres pour orchestre du maître russe est paru sous le même label (Musikproduktion Dabringhaus und Grimm, soit MDG) il y a quelques mois, réunissant la Suite de Ballet extraite de l'opéraLe Démon, Don Quichotte Op.87, et l'ultra romantique Concerto pour violoncelle et orchestre Op.63 donné par Alban Gerhardt et l'Orchestre Symphonique de Wuppertal placé sous la direction de son chef titulaire depuis 1998, George Hanson. On retrouve cette équipe aujourd'hui, sans le soliste, dans un programme assez étonnant puisqu'à la très lyrique et volontiers dramatique Symphonie Op.42 n°2 dite Océan il associe des pièces d'une nature plus frivole, comme le tout viennois Trot de Cavalerie ou la charmante Valse Caprice initialement écrites pour le piano, la délicieuse Sérénade russe Op.93, et l'Ouverture Triomphante Op.43 écrite dans les années soixante, dédiée à l'empereur Alexandre III – et dont on suppose qu'elle saluait une circonstance politique comme l'annexion du Turkestan ou de Sakhaline.
Tendre dans l'Opus 93, élégant dans le Trot, l'interprétation de Hanson s'avère cependant un rien lourde dans l'Ouverture Triomphante – cela dit, l'œuvre elle-même n'est peut-être pas recommandable. En revanche, le chef américain propose un travail sensiblement articulé dans la Symphonie dont la gravité des deux premiers mouvements est frappante, de même que la belle énergie des deux suivants. C'est la version originale en quatre parties qui est livrée ici, sachant que Rubinstein devait en ajouter trois autres par la suite.
Grâce à ce disque, on pourra donc avantageusement approfondir sa découverte de l'œuvre du compositeur ; pour ce faire une idée plus complète de sa personnalité, il conviendra d'écouter les Concertos n°3 et n°4 pour piano et orchestre par Marshev et Stupel chez Danacord, le Concerto pour violon Op.46 chez Naxos par Nishizaki et Halasz, ou encore les deux Quatuors à cordes enregistrés par le Quatuor Royal de Copenhague pour Etcetera, sans oublier le disque de Fabio Grasso paru il y a peu chez Solstice, et que nous vous avions présenté avec beaucoup d'intérêt [lire notre critique du CD].
BB