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Chroniques
Antonio Caldara
La concordia de’ pianeti
Fils d’un violoniste vénitien qui lui dispense ses premières leçons, Antonio Caldara (c.1670-1736) change de maître musical à onze ans, lorsqu’il rejoint la maîtrise de la basilique Saint-Marc, dirigée par Giovanni Legrenzi. Le jeune garçon y fait l’apprentissage du chant choral, du violoncelle et du clavecin. Près de deux décennies plus tard, il devient maître de chapelle à Mantoue et commence à voyager dans son propre pays (rencontrant à Rome Scarlatti, Corelli et Händel), en Espagne puis en Autriche où son installation sera définitive. Vingt ans avant sa mort, il devient second maître de chapelle à la cour de Charles VI (1685-1740), sous la direction de Johann Joseph Fux.
Parmi plus de trois mille œuvres laissées à la postérité dans les genres les plus variés, la voix est souvent mise en avant, à travers plus de deux cents cantates [lire notre critique du CD], près de quatre-vingt-dix opéras et une trentaine d’oratorios. Si elles influencèrent l’École de Mannheim et des créateurs tels Haydn et Mozart, ces productions tombèrent vite dans l’oubli, alors même que Caldara était « au niveau de Händel et de Vivaldi », et « beaucoup mieux payé » que Fux, nous rappelle le chef d’orchestre Andrea Marcon.
Sous l’influence de Charles Habsbourg (Empereur des Romains, roi de Hongrie, de Sardaigne, de Sicile, etc.), qui lui-même compose et dirige depuis son clavecin, le style italien de Caldara gagne en opulence et en complexité. Mais en novembre 1723, à l’occasion du couronnement de son protecteur comme roi de Bohême et de la fête de l’impératrice Élisabeth (1691-1750), alors enceinte de sa troisième fille, Caldara propose un « componimento teatrale » (composition théâtrale) de plein air, encore empreint de légèreté méditerranéenne : La concordia de’ pianeti.
Largement symbolique et louangeur, le livret de Pietro Pariati met en scène les planètes échangeant sur les qualités et les mérites de la souveraine, ici nommée Elisa, à l’instar de Jupiter rabrouant Vénus en ces termes : « la fortune t’a faite ici déesse ; sa vertu native la fait grande et glorieuse non seulement sur l’auguste trône, mais en chaque cœur ». On y trouve aussi Saturne se faire porte-parole des attentes collectives en « un héritier royal, auguste et semblable à son père en justice et clémence, en courage et bonté ».
Autour d’un chef attaché à rendre avec souplesse le relief de l’ouvrage, à la tête de La Cetra Barockorchester et du Vokalensemble Basel, on trouve une équipe de solistes à la technique solide, dans une grande variété de timbres : les contreténors Franco Fagioli (Apollo) et Carlos Mena (Marte) – appréciés respectivement dans Porpora [lire notre critique du CD] et dans Legrenzi [lire notre critique du CD] –, le soprano Veronica Cangemi (Diana), le contralto Delphine Galou (Venere), le mezzo-soprano Ruxandra Donose (Giove), le ténor Daniel Behle (Mercurio) et la basse Luca Tittolo (Saturno). Enregistré en première mondiale, l’ouvrage fut présenté au public de la Konzerthaus Dortmund, le 18 janvier dernier.
LB