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Chroniques
Antonio Vivaldi
L’incoronazione di Dario | Le couronnement de Darius
À (re)lire Frédéric Delaméa dans la notice du volume 58 de La collection Vivaldi chez Naïve, 1716 fut pour l’Italien une année faste, bornée par les représentations vénitiennes des opéras La costanza trionfante degl’amori e degl’odii et Arsilda, regina di Ponto – le premier en janvier au Teatro San Moisè, le second en octobre au Teatro Sant’Angelo –, sur des livrets respectifs d’Antonio Marchi et Domenico Lalli. Ajoutons-y la création, en novembre, de Juditha triumphans, grand oratorio commandé pour célébrer une victoire estivale sur l’armée turque, ainsi que l’élaboration de L’incoronazione di Dario, présenté avec succès au Sant’Angelo, le 23 janvier 1717.
En plein triomphe de l’Arcadie – redécouverte de la simplicité antique, en réaction à l’extravagance poétique baroque –, le Prêtre roux surprend en choisissant un texte signé Adriano Morselli, écrit trois décennies auparavant, qu’adoptèrent avant lui Domenico Freschi (1684), Giacomo Antonio Perti (1686) et Giuseppe Aldrovandini (1705). « Dans ce drame pseudo-historique, situé en Perse, explique le musicologue précité, Morselli s’était plu à tisser un canevas inextricable d’actions parallèles dont la révision vivaldienne devait conserver bien plus que la simple trame. Au delà du respect de l’intrigue dans toute sa complexité, c’est en effet dans la préservation de l’équilibre incertain des caractères, oscillant entre le sérieux et le comique, et dans le maintien de longues scènes récitées, nourrissant les développements dramatiques sans intrusion de l’aria da capo,que Vivaldi demeurait fidèle à l’original et rendait ainsi un vibrant hommage au vieux modèle du théâtre vénitien ».
L’incoronazione di Dario dut ravir également les spectateurs du Teatro Regio de Turin, en avril 2017. Dans cette production, Leo Muscato fignole les différentes figures de l’histoire, de l’ambitieuse Argene à la simplète Statira, dans un Moyen-Orient pétrolifère. L’humour et l’émotion sont au rendez-vous de cet univers dont l’Accademia Albertina di Belle Arti di Torino a conçu costumes et décors. Ces derniers mêlent avec grâce canalisation et moucharabieh, changés infailliblement derrière un rideau fermé lors de nombreux airs qui s’achèvent, du coup, dans l’austérité plaisante de l’avant-scène.
Pour la plupart, les solistes invités connaissent bien la partition qu’ils ont enregistré à Brême, en septembre 2013 [lire notre critique du CD]. Ce sont Roberta Mameli (Alinda), au soprano merveilleux d’expressivité ronde et impactée, les alti Sara Mingardo (Statira) et Delphine Galou (Argene), l’une puissante sans effort tandis que l’autre s'avère ciselée, Lucia Cirillo (Oronte), mezzo-soprano plus instable sur un lamento que sur un récitatif énergique, et enfin le baryton Riccardo Novaro (Niceno) qui allie facilité et précision. Quant à eux, Carlo Allemano (Dario), Veronica Cangemi (Arpago), Romina Tomasoni (Flora) et Cullen Gandy (Ombre de Cyrus, Apollon) assurent leur rôle sans faillir. Tous profitent de la lecture vive et souple d’Ottavio Dantone, chef dirigeant du clavecin l’orchestre maison.
LB