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Chroniques
Antonio Vivaldi
Rosmira fedele | Fidèle Rosmira
La plus tardive partition d'opéra de Vivaldi qui nous soit parvenue se trouve enfin gravée, grâce à l'initiative de l'Ensemble Baroque de Nice. Il y a tout juste un an, nous avions pu entendre cette Rosmira fedele à l'Opéra de Nice [lire notre chronique du 23 mars 2003], et nous vous en avions parlé quelques temps après, lors de la parution de notre dossier Vivaldi : à la redécouverte du Prêtre Roux. Aussi, je ne renouvellerai pas sur cette page la présentation déjà détaillée de l'œuvre, sauf à vous rappeler qu'elle fut créée le 27 janvier 1738 au Théâtre Saint Jean de la Sérénissime.
Tout d'abord, saluons une prise de son fidèle qui nous replonge dans l'atmosphère des représentations de mars. Dès la Sinfonia en trois mouvements, on remarque des cuivres intéressants, une belle mise en valeur des théorbes dans le mouvement central, mais quelques soucis dans les unissons de cordes. L'orchestre présentera tout au long de l'exécution un relief intelligent, toujours en relation avec la dramaturgie.
C'est la Partenope de Claire Brua qui ouvre le premier acte, d'un timbre chaleureux, extrêmement velouté, mais pas toujours stable. Au fil de l'œuvre, on la découvrira merveilleusement lyrique, bien qu'avec quelques écarts de diapason parfois. Sa réalisation des vocalises et ornements est généreuse, même si une tendance au portamento n'est pas toujours la bienvenue (notamment dans l'aria Sei caro allor...). Dans l'ensemble, les récitatifs sont traités dans une urgence excitante et d'à-propos.
On saluera particulièrement la proposition de Salomé Haller qui campe un Arsace coupable en retenant judicieusement sa voix, tout en nuançant avec la sensibilité et le style excellent qu'on lui connaît ; c'est bien là son drame : il a promis de ne rien révéler de la véritable identité de l'énigmatique Eurimene, et la soprano rend intelligemment compte de cette donnée, ne libérant véritablement son organe qu'au dernier acte, lorsque le personnage réclame une lutte à torses découverts, et que la vengeresse Rosmira devra se présenter. Alors, seulement, on goûtera les délices d'un timbre riche, quand l'heure des réconciliations sera venue.
Marianna Pizzolato chante le rôle-titre : je m'étais interrogé à l'époque sur le peu d'air de bravoure lui permettant de briller ; aujourd'hui, avec cette nouvelle écoute, il me semble simplement que la chanteuse s'est montrée exagérément prudente : en effet, elle orne fort peu les da capo, et ternit sa prestation elle-même. Indéniablement, le timbre bénéficie d'une rondeur appréciable. Philippe Cantor donne un Emilio satisfaisant, offrant un chant fiable, une voix saine, une articulation maîtrisée, mais peu d'expressivité, et une ornementation relativement lourdaude. Tout cela correspond assez à une vue du personnage à un 1er degré de lecture, mais il aurait été plus intéressant d'imaginer de lui construire une personnalité vocale plus riche.
Enfin, un an plus tard, le grand bonheur de cette production demeure Jacek Laszczkowski : le sopraniste propose un Armindo d'une vaillance stupéfiante, et orne ses arie comme personne, jusqu'au vertige ! De plus, le timbre se conjugue parfaitement avec celui de Rosmira, si bien que leurs récitatifs partagés – et ils sont nombreux – fonctionnent efficacement. Félicitons Gilbert Bezzina pour une direction délicieusement théâtrale et émouvante.
BB