Chroniques

par anne bluet

Arcangelo Corelli
Sonates pour flûte Op.5 n°1 à n°6

1 CD Intégral Classic (2003)
INT 221.129
Arcangelo Corelli | Sonates pour flûte Op.5 n°1 à n°6

Arcangelo Corelli (1653-1713) commence à Bologne, vers 13 ans, de brillantes études de violon qui le font admettre à l'Academie dei Filarmonici, en 1670. Il s'installe ensuite à Rome. Engagé à l'orchestre du Teatro Capranica dès 1679, il profite de la vie artistique et intellectuelle de la capitale italienne, soumise à l'influence pontificale mais aussi royale, puisque Christine de Suède y est en exil. De fait, il voyagera très peu, et nombre de ses œuvres porteront en dédicace le nom de ses protecteurs : Benedetto Panfili, neveu du pape Innocent X ; Pietro Ottoboni, neveu de Alexandre VIII, et donc l'ancienne souveraine de Suède qui fit tant pour les musiciens de l'époque (Scarlatti, Pasquini, Stradella, etc.) auquel Corelli dédie le premier de ses quatre recueils de sonates à trois. Vers 1702, il allait présenter ses compositions à la Cour de Naples, qui n'en reconnut pas les agréments. Atteint d'une sorte de mélancolie et d'une éternelle grande fatigue, Corelli renoncera, pour les cinq dernières années de sa vie, à toute activité artistique et publique, s'enfermant dans une longue dépression qui devait s'aggraver jusqu'à la fin. Il avait été adulé par ses contemporains, en tant qu'instrumentiste virtuose et pédagogue de renom autant que pour ses œuvres qui donnèrent une impulsion neuve à la musique de son temps.

On compte quatre recueils de sonates en trio, comprenant chacun douze pièces, et formant les Opus 1 à 4. L'Opus 5 regroupe des sonates pour violon et basse, le terme de sonata désignant alors une suite de cinq mouvements, encore assez libre avant la radicalité des classiques. Le disque paru chez Intégral est en fait une adaptation pour flûte à bec et basse continue de ces Sonate a violino et violone o cembalo Op.5 qui connurent un tel succès après leur édition en 1700 que les transcriptions fleurirent, pour diverses formations. Il devait donner à la forme du concerto grosso ses plus belles pages en douze concerti qui parcoururent alors toute l'Europe, et que les spécialistes s'accordent encore de nos jours à vanter la perfection et l'inventivité.

L'enregistrement évoqué ici bénéficie d'une prise de son signée Jean-Marie Robert, très proche de la chose instrumentale, si l'on peut dire (je ne trouve pas de terme plus approprié). Il fut effectué à la Collégiale Saint-Paul d'Hyères dont l'acoustique paraît merveilleusement servir l'aventure. Le flûtiste Christian Mendoze donne ici une lecture joliment articulée de l'Op.5, aux côtés de la claveciniste Brigitte Tramier et du violoncelliste Philippe Foulon, formant Musica Antica Provence. On pourra apprécier une certaine prestesse des plus élégante, dans une sonorité qui ose toujours s'épanouir et jouir de la musique loin des mines compassées, dans les fugues et les gigues, bien sûr, mais également dans les mouvements plus lents, qui ouvrent systématiquement chacune des six sonates du recueil, jamais alanguis. L'ensemble est très équilibré, soulignant juste ce qu'il faut la subtilité du contrepoint, sans oublier de chanter. Les ornements de l'Adagio de la cinquième sonate témoignent d'une tendre délicatesse.

AB