Chroniques

par laurent bergnach

archives Benjamin Britten
autour de l’enregistrement de The Burning Fiery Furnace

1 DVD Gonzo Multimedia (2013)
TPDVD 175
autour de l’enregistrement de The Burning Fiery Furnace

À l’automne 1965, de retour de vacances prises en Union Soviétique – durant lesquelles les six chants d’Echo Poeta Op.76 résonnèrent dans la maison même de Pouchkine, inspirateur du cycle, avant leur audition moscovite –, Britten s’attelle à la deuxième de ses trois paraboles d’église : The Burning Fiery Furnace (La fournaise ardente). Le livret de William Plomer entraîne l’auditeur à la cour de Nabuchodonosor, au VIe siècle avant Jésus-Christ, pour assister à un épisode biblique conté dans le Livre de Daniel et illustré notamment par une sculpture qui frappa le compositeur en visite à la Cathédrale de Chartres. Fatigué par des soucis de santé (opération du colon) et familiaux (divorce de sa sœur), ce dernier tient pourtant à l’idée d’une œuvre moins sombre que Curlew River, créé un an plus tôt à Aldeburgh [lire notre chronique du 10 avril 2005] –, sans doute parce que cette l’histoire s’achemine vers la joie lumineuse du miracle accompli, à l’instar de celle de Saint Nicolas dont l’Anglais tira jadis une cantate [lire notre critique du CD].

« Il s’agit de trois jeunes gens d’Israël, annonce un abbé en amont d’un mystère, lesquels, par fermeté et constance, accèdent en un seul jour à la gloire éternelle. » En effet, fidèles à leur foi, les trois garçons refusent tout d’abord les mets proposés par le Babylonien, puis de s’incliner devant la statue en or massif du dieu Medorak. Furieux, le roi ordonne qu'on les jette dans un brasier ardent dont ils ressortent indemnes. Nabuchodonosor fait bannir son astrologue, détruire l’image du dieu de pacotille pour louer le dieu véritable. L’abbé délivre alors la morale de l’histoire :
« Amis, souvenez-vous !
L’or s’éprouve dans les flammes
Et la trempe de l’homme
Dans la fournaise de l’humiliation ».

Avec le présent DVD, peut-on parler de publicité mensongère ? On devrait car le visuel en couleur ne laisse pas prévoir un film tout en noir et blanc, tandis que le titre de l’ouvrage, écrit en gros, est couronné d’un minuscule « Tony Palmer’s film about the recording of ». Ce que nous avons entre les mains est donc un reportage d’une heure sur trois jours d’enregistrement de l’ouvrage dans l’église d’Orford (The Parish Church of St Bartholomew, selon toute évidence), une petite ville de ce Suffolk côtier si cher à Britten. Restauré l’an dernier par Isolde Films, il met en vedette le compositeur faisant répéter les musiciens dans une acoustique appréciée, en liaison permanente avec John Culshaw, producteur chez Decca et pionner de la stéréophonie anglaise (le Ring, par exemple, à la fin des années cinquante), toujours soucieux d’équilibrer les sources sonores.

À part Victor Godfrey (Abednego) remplacé par Stafford Dean, nous croisons là les solides chanteurs de la création : Peter Pears (Nabuchadnezzar), Bryan Drake (The Astrologer), John Shirley-Quirk (Shadrach), Robert Tear (Mesbach) et Peter Lemming (The Herald). En tête-à-tête avec la caméra, le percussionniste James Blades détaille un instrumentarium qui va du tambour chinois au glockenspiel en passant par la plaque métallique « empruntée » à une Rolls-Royce. Bref, le moment est agréable mais la frustration de ne pas tout suivre (absence de sous-titrage, de notice en français) et celle de n’entendre jamais l’ouvrage en entier l’emportent en définitive.

LB