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Chroniques
archives Franco Corelli et Renata Tebaldi
grands duos d’opéra
Decca nous propose une première livraison de six volumes de la collection Classic Recitals, jadis parue en microsillons au cours des années soixante et soixante-dix – Carlo Bergonzi [lire notre critique du CD], Hilde Gueden [lire notre critique du CD], etc. À cette époque, l'éditeur londonien était mondialement reconnu pour la qualité exceptionnelle de ses prises de son et de ses techniques d'avant-garde. Leur report en CD, particulièrement soigné, permet encore de le constater. Ces enregistrements sont en effet d'une clarté et d'un équilibre incroyables et sans aucune saturation des extrêmes – à l’exception de celui-ci, comportant d’indignes saturations dans les forte. De plus, la firme propose l'exacte reproduction des pochettes et des textes d'origine, ce qui donne à ces premiers volumes un certain côté kitch, plutôt amusant ; ce qui l'est moins, c'est la quasi impossibilité à déchiffrer les textes d'origine (en anglais), tant leurs caractères sont petits. Déplorons encore la faible durée moyenne de ces CD – environ 40 minutes –, même pour une collection économique ! Mais arrêtons de bouder notre plaisir pour passer à l'écoute...
Avec deux grands chanteurs à la fin d'une carrière prestigieuse, on ne pourra pas dire autant de bien du disque de duos deTebaldi et Corelli que des deux autres. Ils ont tous les deux atteint la cinquantaine et leurs voix accusent les défauts de leur âge.
C'est cependant moins vrai pour Franco Corelli, au souffle inépuisable et à la technique incroyable, et dont la longévité égalait celle de son collègue Bergonzi. L'artiste qui nous a quittés l'hiver dernier avait un physique de jeune premier et sa voix extrêmement puissante et virtuose avait été fêtée sur les plus grandes scènes du monde entier de 1951 à 1981. En 1972, Renata Tebaldi n'a plus la suavité et le miel qu'on admirait tant en elle. Sa voix est alors courte en graves qu'elle poitrine dangereusement. De plus, elle a tendance à crier ses notes difficiles, particulièrement dans le haut-médium et les aigus. Après une carrière internationale fabuleuse commencée en 1944, la grande rivale légendaire de la Callas accuse, trente ans plus tard, une usure certaine de sa ligne de chant.
Malgré tout, l'engagement des artistes est tel qu'on peut se laisser séduire par l'autorité des deux stars. Oublions vite le triste Tu, Tu, amore ? de la Manon de Puccini pour admirer le duo Amnéris / Radamès de Aïda. Eh oui, la Tebaldi, la plus grande Aïda du siècle passé, devient finalement divine en Amnéris, retrouvant cette autorité et cette grâce qui étaient siennes ! À l'opposé de l'enregistrement de Carlo Bergonzi, les chanteurs ont, par ailleurs, tendance à céder à la tentation vériste… Le reste du programme (Adriana Lecouvreur et Gioconda) vaut surtout par l'extrême rareté de la Francesca da Rimini de Zandonaï, œuvre et compositeur peu joués aujourd'hui et d'une réelle beauté. Malgré une tessiture rebelle au début du duo, Renata Tebaldi, magnifiquement soutenue par Franco Corelli, nous offre une envoûtante leçon de chant où l'influence de Debussy et de Ravel se fait sentir dans ce manifeste de l'anti-vérisme. L'Orchestre de la Suisse Romande est particulièrement attentif à créer cette atmosphère de rêve et de mystère qui baigne l'œuvre.
MS