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Chroniques
archives Fritz Wunderlich
airs d'opéra, d'opérette et Lieder
Le grand ténor Fritz Wunderlich nous revient aujourd’hui dans une compilation proposée par The Intense Media en dix CD. Hommage est donc rendu à l’une des voix les plus ensoleillées et envoûtantes de l’après-guerre. En 2008, le BBC Music Magazine le classait même au quatrième rang mondial, après Plácido Domingo, Enrico Caruso et Luciano Pavarotti.
Le ténor allemand (1930-1966) aurait pu prétendre au titre de ténor du siècle, s’il ne nous avait quittés prématurément, à la suite d’une chute fatale, dans l’escalier de la maison d’un ami. Il laisse malgré tout un legs discographique foisonnant où l’opéra, l’opérette et le récital sont admirablement servis et correctement captés pour l’époque, certains étant des live. Les enregistrements sélectionnés furent publiés entre 1953 et 1959 et offrent une voix à son zénith, à tout point de vue.
Le présent coffret propose une large sélection d’airs d’opéras qui occupe quatre CD, dans leur grande majorité chantés en allemand. Malgré la splendeur de la voix et l’émotion incroyable que l’artiste était capable de délivrer, l’auditeur non averti pourra être incommodé à l’écoute de ces tubes de l’opéra italien qui ne sont pas interprétés dans leur langue originale, en particulier pour cette Furtiva lagrima de L’elisir d’amore, tonitruante et bien peu idiomatique, et un Nessun dorma méconnaissable, au timbre étriqué et encore moins latin. En revanche, le duo Carlo-Posa de Don Carlo de Verdi émeut et convainc, tout comme les extraits de Cavalleria rusticana où Wunderlich transmute incroyablement sa voix de mozartien en vrai vériste. Un disque entier est bizarrement consacré à Puccini, alors qu’on s’attendrait à une anthologie mozartienne… Le chanteur nous apprend qu’il est tout à fait capable de caractériser des personnages pucciniens très différents et complexes. Si Calaf reste hors sujet, son Mario de Tosca, héroïque et noble, se défend bien. Son Pinkerton est ajusté à la complexité du personnage, à la fois séduisant et veule (Madama Butterfly). De larges extraits de La bohème sont offerts, avec en Mimi, Trude Eipperle, sa poignante Butterfly. Son Rodolfo humble et déchirant est anthologique, avec une voix jamais poussée ni forcée.
Même chantés en italien, Händel (Alcina, Serse), tout comme Monteverdi (Orfeo) et Scarlatti souffrent du côté suranné d’une interprétation par trop désuète, aujourd’hui difficilement supportable. En 2015, il est très difficile d’entendre un ténor romantique incarner l’air de Ruggiero Sta nell'ircana, immortalisé par les plus vibrants mezzos et contre-ténors. De plus, on sent la voix beaucoup moins à l’aise dans ce répertoire que dans Puccini.
Cet hommage livre heureusement les pépites allemandes que sont de larges extraits de Zaide de Mozart, avec la grande Maria Städer, star incontournable et égérie du chef Ferenc Fricsay, ceux du truculent Barbier von Bagdad de Cornelius, avec la légende vivante que fut la basse Kurt Böhme, l’incontournable Ach! So fromm de Martha de Flotow et des pages d’Undine et Der Waffenschmied de Lortzing, ainsi que le très rare Fierrabras de Schubert, tous interprétés idéalement.
Un CD entier est consacré à l’oratorio, avec Die Jahreszeiten d’Haydn, mais pas Die Schöpfung : toujours l’on regrettera que la disparition brutale de l’artiste ait suspendu sa contribution à l’enregistrement superlatif de Karajan. Les deux extraits du Messiah de Händel (chantés en allemand) sont, eux aussi, exceptionnels. Enfin, l’éditeur affiche une rareté pour l’époque, les Lamentationes Jeremiae de Johann Rosenmüller, données avec l’humilité et la ferveur requises. Tout l’art de Wunderlich consistait en sa capacité à modifier sa voix pour l’adapter au style et au répertoire abordés.
Deux disques sont consacrés au Lied, genre dans lequel il excellait aussi. Le premier propose une riche sélection de mélodies où Beethoven, Brahms et Schubert côtoient Giordani, Liszt et Tchaïkovski ; le second présente la résurrection très attendue de sa première version de Die schöne Müllerin (Schubert), enregistrée en 1957. On sait qu’entre 1957 et 1966 le grand ténor enregistra cinq fois ce cycle de lieder qui fut son cheval de bataille, sur la scène comme au disque.
Pour finir, trois CD sont dédiés à la grande passion du musicien, les opérettes viennoise et allemande et les tubes internationaux, comme Granada. Ce large panorama, qui fait la part belle à Kálmán, Lehár, Stolz et Strauss fils, est propre à chasser le spleen du quotidien. On restera plus réservé sur le disque consacré au cross over où le ténor aime à montrer des talents de trompettiste pour accompagner les hits sucrés à la mode…
MS