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Chroniques
archives Gerald Moore
le roi de l’accompagnement pianistique (1940-1958)
Généralement considéré comme le plus grand accompagnateur du XXe siècle, le pianiste Gerald Moore (1899-1987) a fréquenté bon nombre de ses contemporains talentueux depuis l’époque où il regimbait sous la discipline de fer imposée par le paternel mais tyrannique ténor John Coates, et où l’apparition de son nom sur une pochette de disque mit en rage son partenaire chanteur… Alors, pour parvenir à cette place de collaborateur privilégié, faut-il jouer moins fort ? – comme il s’interroge avec humour dans ses mémoires parues en 1962 [lire notre critique de l’ouvrage] ? Certes non, puisque le musicien « quelconque » de ses débuts, « sympathique » et « discret », gagne en réputation à l’approche de la trentaine, fort d’une ambition qu’il ne cache pas :
« l’accompagnateur doit être une source d’inspiration, et son jeu doit ressortir dans les merveilleuses introductions, les merveilleux postludes qu’il a à exécuter. L’éclat serein des uns, la passion des autres, devraient dire quelque chose au chanteur ; ils devraient donner libre cours à son imagination, la galvaniser. Loin de ne pas le remarquer, j’affirme volontiers qu’un bon chanteur accorde à l’accompagnement la plus vive attention – s’appuie sur lui ».
De bons chanteurs, ce n’est pas ce qui manque dans ce coffret de dix CD couvrant les années 1940 à 1958, avec une large place accordée aux sopranos : Isobel Baillie (Purcell), Kathleen Ferrier (Green, Händel, Purcell), Kirsten Flagstad (Wagner), Victoria de los Ángeles (Fusté, Granados, Guridi, Nin, Valverde, Vives), Elisabeth Schwarzkopf (Dvořák, Schubert), Irmgard Seefried (Dvořák, Mozart) et l’émouvante Maggie Teyte (Debussy, Fauré) – laquelle avait étudié nombre de mélodies avec l’auteur de Pelléas en personne. Le mezzo Christa Ludwig défend également une vingtaine de pièces (Brahms, Mahler, Wolf).
« S’il me fallait mettre le doigt sur la clé de la suprématie de Fischer-Dieskau, ce qui le distingue de tous les autres chanteurs, je dirais, en un seul mot, le rythme. » Loué pour son articulation sans défaut et un tempérament à revendre, le baryton chante ici Schubert (Winterreise), Schumann (Liederkreis) et Wolf (extraits de Spanisches Liederbuch). Outre ceux de Brahms (Vier ernste Gesänge, etc.), Hans Hotter interprète lui aussi des Lieder de Wolf, tandis que le ténor Aksel Schiøtz – enregistré en 1945, l’année même d’une attaque qui l’oblige à un changement de tessiture – chante Dichterliebe et Die schöne Mullerin. Une réunion d’artistes qui intéressera les nostalgiques et les curieux, moins poussiéreuse qu’on aurait pu le craindre.
LB